C’est devenu une tradition insolite sur ce blog : chaque année à la Toussaint, je vous parle d’un cimetière que j’ai découvert lors de mes voyages. Cette année, nous prenons la direction du cimetière Dos Prazeres à Lisbonne !
Il se trouve qu’il se situe au bout de la célèbre ligne de tram 28 de Lisbonne, trajet emprunté par de nombreux touristes. Comme le terminus se trouve dans une zone peu touristique en elle-même, beaucoup de gens décident de faire un tour dans le cimetière Dos Prazeres avant de reprendre le tramway jaune dans l’autre sens.

Un peu d’histoire sur le cimetière Dos Prazeres de Lisbonne
Le Cemitério dos Prazeres a vu le jour au 19e siècle. Lisbonne venait d’être frappée par une épidémie de choléra sans précédent… ce qui a fait prendre conscience aux autorités de l’importance d’avoir des espaces dédiés aux enterrements, au lieu de les organiser au petit bonheur la chance, autour des églises par exemple.
Quelques années plus tard, ces enterrements dans les églises et les couvents ont même été totalement interdits pour des raisons sanitaires, favorisant l’extension des cimetières officiels.
Le terrain occupé par ce cimetière de Lisbonne possédait déjà une chapelle, construite – dit-on – suite à une apparition de la Vierge. Elle était voisine d’une grande ferme (la « Quinta dos Prazeres »), où l’on cultivait des légumes et de la vigne. On y accueillait aussi les malades frappés par les épidémies à Lisbonne.
C’est donc naturellement que le terrain de 12 hectares occupé par la ferme Prazeres s’est transformé en cimetière, le « Cimetière des Plaisirs » (traduction littérale de son nom).

A la découverte du cimetière des plaisirs de Lisbonne
Quand je suis arrivée sur place, je suis tombée nez-à-nez avec une famille de chats noirs, avec des chatons absolument craquants qui se faufilaient entre les tombes. Ça ne s’invente pas !

Très vite, j’ai commencé à me balader au gré des allées et des découvertes. Le cimetière dos Prazeres abrite quelques curiosités, notamment le plus grand mausolée privé d’Europe. Il appartient à la famille du Duc de Palmela, qui a été ministre des Affaires étrangères et Premier ministre du Portugal au 19e siècle.
Le monument impressionnant renferme près de 200 défunts, appartenant tous à la famille du duc, à l’exception de deux personnes, des prêtres proches de la famille qui ont été inhumés ici. L’architecture s’inspire des symboles d’un temple maçonnique.

L’occasion d’apprendre que le cimetière Dos Prazeres a toujours occupé une place particulière pour les « grandes familles » portugaises : il se situe dans un quartier prisé autrefois par les aristocrates, des familles qui avaient les moyens d’offrir à leurs défunts des sépultures absolument grandioses.
C’est ce qui explique que l’on y trouve aussi de nombreuses sépultures de personnalités portugaises. J’avoue que pour ma part, ce n’est pas ce qui m’intéresse quand je visite ce type de lieu, je m’intéresse plutôt à l’architecture et aux traditions locales.
En la matière, la tombe qui m’a le plus marquée est sans nul doute la « Valle Flor »… qui ressemble clairement à une vraie villa, entourée de palmiers. La tombe appartient à un riche fermier, marquis de Valle Flor sur l’île de São Tomé.
L’homme possédait un palais à Lisbonne, où se trouve aujourd’hui le Pestana Palace (hôtel 5 étoiles). Ayant perdu ses deux filles, enterrées au cimetière dos Prazeres, l’homme avait fait ajouter un étage à sa demeure familiale afin de pouvoir voir le cimetière à tout moment.


On retrouve dans ce cimetière de Lisbonne la symbolique traditionnelle de nombreux cimetières : des colonnes coupées, signe d’une vie achevée trop tôt, comme ici sur la tombe de Carlos Lobo de Ávila, écrivain et journaliste décédé prématurément à 35 ans.

Autre symbole : des poignées de main sur lesquelles vient planer la chape de la mort, symbolisée par la faux, comme ici sur la tombe de D. Maria Margarida de Gusmão Ferreira.

Des références aux passions qui habitaient les défunts de leur vivant, comme cette tombe sous verre qui représente un véritable établi d’artisan !

Certaines reprennent aussi l’artisanat traditionnel portugais, comme ce mausolée orné d’azulejos, les carreaux de carrelage peints typiques de Lisbonne.

Bien sûr, les sculptures et icônes religieuses ne manquent pas, qu’il s’agisse d’anges ou de représentations du Christ, comme ici :


Les cimetières portugais ont une particularité, qui peut surprendre voire choquer par rapport aux cimetières français : les cercueils peuvent être visibles… et le sont souvent. Contrairement à la France, où le cercueil est « caché » une fois l’enterrement célébré, au Portugal on n’a aucun problème avec le fait de laisser les cercueils exposés à l’intérieur des mausolées.
Les portes sont généralement vitrées, parfois couvertes par un petit voilage en dentelle pour préserver l’intimité des familles. Les cercueils sont simplement posés sur des étagères, dans des états assez variés, parfois protégés par un drap ou une couverture en crochet.
En revanche, il y avait très peu de fleurs sur les tombes par comparaison avec les cimetières français. Peut-être parce qu’avec le climat souvent très chaud du Portugal, elles résistent mal.

Le cimetière Dos Prazeres abrite apparemment la plus vaste concentration de cyprès de toute la péninsule ibérique, les arbres sont utilisés pour délimiter les allées.
Sur le versant ouest du cimetière, le plus éloigné de l’entrée quand on arrive par le tram 28, on découvre soudain une vue étonnante sur le pont du 25 avril.

Le seul bruit qui vient troubler la promenade est celui des avions, qui passent juste au-dessus du cimetière dans un bruit de réacteurs assez marqué.
En vous baladant, vous croiserez d’autres tombes insolites : sculpture de chien, tombe représentant un tableau noir d’école avec un dé posé dessus, qui cache apparemment le mécanisme d’ouverture du tombeau, ou encore cette toute petite tombe qui abrite les restes d’Ofelia Queiroz, seule petite amie connue du poète Fernando Pessoa.
Ironie du sort, Fernando Pessoa lui-même a été « déplacé » de sa dernière demeure initiale (au Cimetière des plaisirs) au monastère des Hiéronymites où il repose aujourd’hui.

Le cimetière des plaisirs de Lisbonne abrite aussi un monument dédié aux pompiers (avec casque et échelles). Beaucoup reposent dans une crypte qui leur est réservée.

La chapelle du cimetière, quant à elle, a été construite entre 1856 et 1858. Au-delà de son rôle religieux, elle a aussi accueilli les premières autopsies réalisées par l’Institut Médico-Légal.

Si vous aimez ce type de visite qui sort des sentiers battus, l’agence City Guru organise une visite guidée de plusieurs cimetières de Lisbonne en petit groupe (voir les tarifs ici), l’occasion d’explorer l’histoire de la ville sous un angle assez original.
La visite du cimetière dos Prazeres ne fait pas partie à mon sens des incontournables de Lisbonne, car l’endroit n’est pas assez différent de nos cimetières français pour être une « curiosité culturelle » à voir… mais ça peut être une petite balade à faire rapidement lors d’un trajet touristique à bord du tram 28.
Pour le visiter, descendez simplement à la station Campo de Ourique, l’entrée est juste en face ! Le cimetière est aussi à deux pas du Mercado de Campo de Ourique, où l’on trouve pas mal de nourriture artisanale.
Hello ! Je suis en congé maternité jusqu'à l'été 2023. Pendant cette période, les commentaires sont fermés.
Fernando
Pessoa est poète.
Oh, merci d’avoir relevé, je n’avais même pas vu que j’avais remplacé un mot par un autre. C’est corrigé !
J’en sors. Merci pour ce joli parcours très serein et plein de tombes spectaculaires (le monument aux pompiers l’est carrément – pompier !).
Oui, il fait partie des monuments marquants :) Chanceux d’avoir pu y aller à cette période ;)
Merci pour cet intéressant reportage. J’aime visiter les cimetières et particulièrement à la Toussaint avec toutes les fleurs.Je ne connais pas ce cimetière du Portugal mais visiblement il est plein de richesses
Bon week-end
Corinne
Bonjour Corinne, je ne le fais pas systématiquement mais parfois, la découverte est intéressante pour explorer une culture sous un autre angle ! Bon week-end également :)
Bonjour Marlène,
Si vous avez de l’interêt pour les cimetières exceptionnels, ne manquez pas celui de Gènes en Italie.
Sincères salutations
Jean
Merci Jean pour le conseil, je ne connais pas encore mais je note !
Y est notamment enterrée madame Oscar Wilde
Tradition insolite mais intéressante
C’est parfois l’occasion de découvrir des anecdotes locales, les cimetières reflètent parfois certaines croyances, légendes, ou ont une histoire particulière. En Pologne par exemple, le cimetière de Zakopane reflétait l’artisanat local basé sur le travail du bois, un peu comme un musée à ciel ouvert.