Chaque année, autour de la Toussaint, je vous emmène découvrir un cimetière quelque part dans le monde… et cette année, j’ai choisi le cimetière Saint-Jean de Nuremberg… Quand on part dans un pays étranger, visiter le cimetière local est parfois une aventure très riche pour percevoir des différences culturelles.
Les premières traces du cimetière Saint-Jean (St Johannisfriedhof en allemand) datent de plus de 10 siècles et son histoire est très liée à celle de grandes épidémies en Europe. Je vous raconte tout ça dans cet article !
Conseils voyage
Jardins secrets de Nuremberg
Lorsque mon séjour à Nuremberg touchait à sa fin, j’avais fait le tour des principales curiosités locales et je cherchais donc à explorer des facettes un peu moins connues de la ville. C’est comme ça que je me suis retrouvée dans le tramway, ligne 6, en direction d’un cimetière…
Il possède sa propre station de tramway, St Johannisfriedhof (cimetière Saint-Jean) mais je suis descendue un peu avant, à Nürnberg Hallerstraße car il y a deux petits jardins à proximité qui valent le détour pour sortir des sentiers battus.
Le Barockgarten, pour commencer, se cache derrière une lourde porte de ville en bois, fermée, au n°13 de la Johannisstraße. On peut y entrer entre avril et octobre et il faut vraiment connaître pour franchir la porte tellement on ne soupçonne pas qu’il y a un jardin caché à cet endroit.


Un peu plus loin sur la même rue, autour des n°43 à 47, se trouve un deuxième jardin, les Hesperidengärten. On y trouve de jolies fontaines, des statues et même des écureuils !




Ces jardins ont vu le jour au Moyen-Age. A l’époque, les riches commerçants de la ville installés à l’extérieur des remparts avaient décidé de copier les jardins d’agrément des nobles en « petit format ». Plus de 300 jardins ont ainsi été créés.
Le cimetière Saint-Jean, dernière demeure du peintre Albrecht Dürer
Le St Johannisfriedhof, un cimetière de Nuremberg, se situe un peu plus loin sur la même route, à l’ouest de la ville. C’est aujourd’hui le cimetière le plus connu de Nuremberg, notamment parce qu’il abrite la tombe du peintre Albrecht Dürer, né et mort à Nuremberg.

Comme beaucoup de jeunes de son époque (1471-1528), Dürer a appris un métier à l’adolescence (l’orfèvrerie) mais face à son talent pour la peinture et le dessin, son père l’a autorisé à faire un apprentissage dans l’atelier d’un peintre. Par la suite, il a beaucoup voyagé : Allemagne, Suisse, Italie, France, Autriche, Hollande, des voyages entrecoupés de retours à Nuremberg. A partir de 1512, il est devenu peintre officiel à la cour, ce qui lui a aussi valu une grande reconnaissance.
Albrecht Dürer a réalisé de nombreux autoportraits mais aussi des gravures, des dessins au réalisme saisissant et bien sûr, des aquarelles et gouaches représentant Nuremberg et les villes traversées lors de ses voyages.


Sur sa tombe, on peut lire un message en latin invitant à lui rendre hommage : « Passant, dépose des fleurs sur sa tombe ». Mais ce n’est pas la tombe la plus ancienne du cimetière…
St Johannisfriedhof et la grande épidémie de peste
On trouve les traces d’un cimetière dans le quartier Saint-Jean dès le 10ème siècle… mais il ne se développe pas tout de suite. Le quartier va d’abord jouer un rôle important dans deux grandes épidémies : la lèpre et la peste.
La terreur de la lèpre
En 1234, on construit à proximité du cimetière un « Siechkobel », c’est-à-dire une léproserie… et le cimetière devient le « cimetière des lépreux » (le Leprosenfriedhof).
Il faut se rappeler qu’à l’époque, peu de gens savaient lire, la Bible faisait souvent la pluie et le beau temps et la lèpre y était décrite comme un signe d’impureté, une impureté qui pouvait se transmettre à tout : la maison du lépreux devenait impure, les objets qu’il avait touchés aussi, même chose pour les gens qui avaient rendu visite au lépreux.
De ce fait, on isolait les malades en les chassant des villes ou en les enfermant dans des léproseries et à chaque déplacement, le lépreux devait agiter un instrument pour faire du bruit et signaler sa présence.
Ça allait très loin, avec des rituels de purification, des vêtements spécifiques, des rituels qui excluaient le lépreux de la société… Ca explique sans doute pourquoi, aujourd’hui, la lèpre garde une image effrayante et dramatique dans l’imaginaire collectif.


Les ravages de la peste
Un siècle et demi plus tard, en 1395, on décide que le cimetière accueillera les corps des victimes de la peste et on crée sur place une chapelle, la Stephanuskapelle (qui existe encore sous le nom de Holzschuherkapelle). La ville de Nuremberg a récemment financé un important projet de rénovation de la chapelle.
La peste, voilà encore une épidémie terrifiante et terriblement meurtrière. On a du mal aujourd’hui à mettre une réalité sur des chiffres qui font froid dans le dos : en 5 ans, elle aurait anéanti près de la moitié de la population d’Europe. Ça a conduit à des mesures drastiques pour essayer d’endiguer la propagation de la maladie.
A Nuremberg en particulier, on modifie totalement les pratiques en matière d’enterrement. Avant, les gens étaient enterrés dans leur quartier, près de leur paroisse. Mais les autorités estiment que le risque de contagion est trop grand et trop menaçant pour la ville. En 1518, on transforme donc le cimetière du quartier Saint-Jean (à l’extérieur de la ville) en « Pestfriedhof », cimetière destiné aux malades de la peste… et on commence aussi à enterrer à cet endroit les citoyens du quartier de St Sebald.
C’est comme ça que le St Johannisfriedhof commence à se développer.

Le cimetière Saint-Jean, couleur et partage
Ce qui m’a d’abord frappée dans ce cimetière de Nuremberg, c’est la vie qui s’en dégage… En France, je trouve toujours ça très triste de croiser des tombes à l’abandon, de voir des sépultures fleuries côtoyer des tombes ignorées de tous. Au St Johannisfriedhof, j’ai été surprise par une explosion de couleurs, de jolies fleurs parfaitement entretenues.

Bien sûr, il y a des tombes plus ou moins grandioses… mais on n’a pas l’impression que certaines soient délaissées. Il y a des endroits où on trouve plein d’arrosoirs, des fontaines pour les remplir et j’ai vu plusieurs personnes arroser non seulement les fleurs sur la tombe de leurs proches mais aussi les fleurs des tombes voisines au passage.

Beaucoup de fleurs sont plantées en pleine terre pour éviter qu’elles ne se fanent et surtout, les gens peuvent planter des choses directement sur la tombe, en lieu et place d’une pierre tombale. Fleurs, plantes, arbustes, jeunes pousses de pin, il y avait un peu de tout et ça donne de la vie au cimetière.

L’église qui se trouve au milieu affiche une couleur orange flamboyante qui contribue elle aussi à égayer l’atmosphère.


C’est une visite qui sort un peu de l’ordinaire mais si vous avez l’occasion de vous aventurer dans cette partie de la ville, n’hésitez pas à y faire un tour…
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