Aujourd’hui, nous allons pousser ensemble les grilles du Quartier des Célestins, l’un des fiefs de la Garde Républicaine à Paris…
La Garde Républicaine, vous la connaissez au moins de nom, vous avez sûrement déjà vu les cavaliers à l’uniforme majestueux lors du Défilé du 14 Juillet. Mais vous ignorez peut-être que l’on peut aller découvrir leur cadre de vie et d’entraînement, entrer dans les écuries, apprendre comment les chevaux sont formés… tout ceci grâce aux visites guidées organisées par Cultival.
On y va ?

Conseils voyage
Le quartier des Célestins, un ancien couvent
Il fait 30°C et un ciel d’un bleu insolent quand j’emprunte le boulevard Henri IV, dans le 4e arrondissement de Paris. Mais avant de pousser les grilles du n°22-24, nous allons faire un bond dans le temps… pour revenir dans le Paris du 13e siècle.


Il n’y a pas encore de rue ici… mais il y a un édifice qui va, durant plusieurs décennies, accueillir des religieux – les Carmes, puis les Célestins. Le Couvent des Célestins de Paris abritait de nombreuses tombes d’illustres personnages (Jeanne de Bourbon, Louis d’Orléans…), qui en faisaient la plus grande nécropole royale après la Basilique Saint-Denis.
Mais comment ce lieu est-il devenu le quartier des Célestins de la Garde Républicaine ? Il a fallu une révolution… et un baron !
En 1789, lors de la Révolution Française, l’agitation est aussi religieuse… et le Couvent des Célestins est particulièrement exposé, car il se situe littéralement à côté de la prison de la Bastille (on voit même encore de petits fragments des fondations de la prison dans le square Henri-Galli). L’Ordre des Célestins a disparu quelques années plus tôt, miné par la corruption.
Le bâtiment est occupé et perd alors définitivement sa fonction religieuse. Il accueille les gardes nationaux, puis des institutions pour sourds-muets et aveugles, avant d’être converti en caserne au tout début du 19e siècle.
Je vous parlais de Révolution… et de baron ! Et justement, au 19e siècle, le baron Haussmann est en train de transformer Paris. Il décide de créer un axe pour relier la Seine à la place de la Bastille. Le tracé passe au beau milieu de l’ancien Couvent des Célestins… mais peu importe, on détruit un tiers du bâtiment pour construire ce qui deviendra le boulevard Henri IV.

Un peu plus tard, ce qui restait du cloître du couvent est à son tour démoli et une caserne toute neuve voit le jour à l’aube du 20e siècle : le Quartier des Célestins. Il occupe ce qui était autrefois les jardins du couvent des Célestins.
C’est ici que nous nous rendons, ici qu’est établi l’état-major de la Garde Républicaine, son orchestre symphonique, le chœur de l’Armée française, un escadron du Régiment de cavalerie, la fanfare et plusieurs écuries…
Découvrir la Garde Républicaine
Dès que l’on sort du métro à Sully-Morland, une légère odeur de cheval trahit ce que l’on va trouver derrière les murs. Nous retrouvons notre guide, qui commence par nous raconter l’histoire des lieux et les missions de la Garde Républicaine, qui sont souvent méconnues.
Comme je vous le disais en introduction, on a sûrement tous vu la Garde défiler (en vrai ou à la télé !) lors des événements publics d’importance… mais il y a 365 jours dans l’année et vous imaginez bien qu’en-dehors du 14 juillet, les forces qui composent la Garde Républicaine ne sont pas en train de se tourner les pouces ;)
Qui sont les hommes et femmes de la Garde Républicaine ?
La Garde Républicaine a été créée par Napoléon en 1849… et ses membres sont des gendarmes, c’est-à-dire des militaires. Le concours est donc celui de la gendarmerie (concours de sous-officier) et pour intégrer la cavalerie, il faut détenir au moins un galop 5.
Aujourd’hui, la Garde Républicaine est ouverte aux femmes et n’impose plus de stricts critères de taille (pendant longtemps, il fallait mesurer au moins 1m70). Il y avait d’ailleurs une expo photo dédiée à la Garde au Féminin sur les murs du bâtiment. Les femmes ne représentent encore que 10% des effectifs mais j’en ai croisé beaucoup ce jour-là.
D’ailleurs, j’ai eu un petit coup de cœur photographique pour la jeune femme ci-dessous, que j’ai trouvée majestueuse et pleine de charisme ! J’avoue l’avoir un peu mitraillée pendant tout son entraînement :)

Les missions sont exigeantes et pour beaucoup, la Garde Républicaine n’est qu’un passage, après lequel on se reconvertit dans d’autres types de missions. La plupart des cavaliers que j’ai croisés lors de la visite du Quartier des Célestins étaient relativement jeunes.
Quelles sont les missions de la Garde Républicaine ?
On connaît beaucoup les missions d’honneur de la Garde Républicaine, où les militaires sont en uniforme de prestige. On appelle cet uniforme la « Grande Tenue de Service »… et l’une de ses particularités, c’est que la couleur du pantalon varie selon les circonstances : bleue si le président de la République est absent, blanche s’il est là.

Il y a environ 500 missions d’honneur par an : accompagnement du président de la République, des dignitaires étrangers invités en France, défilé du 14 juillet…
La Garde Républicaine contribue aussi au rayonnement de la France. De nombreux cavaliers, y compris les plus jeunes (les cadets) participent par exemple à des concours équestres internationaux : lorsqu’ils gagnent des prix, ils le font au nom de la Garde.
Mais la vraie mission qui occupe 80% du temps de la Garde Républicaine, c’est la sécurité ! Les patrouilles sont partout…
- Dans les rues de Paris, pour lutter contre tout ce qui peut mettre en danger la sécurité des Parisiens et des touristes : pickpockets, vendeurs à la sauvette, trafiquants…
- Autour des lieux où se tiennent des concerts, des festivals ou de grands événements sportifs, comme au Stade de France par exemple.
- Près des palais nationaux (Elysée, Matignon, Sénat, Palais de Justice, ministères sensibles comme la Défense et les Affaires Etrangères).
- Lors des événements tragiques (disparitions de mineurs) pour assister les forces mobiles.
Il y a aussi des missions plus inattendues ! Par exemple, des cavaliers de la Garde Républicaine sont réquisitionnés chaque année pour surveiller les vendanges en Champagne, afin d’éviter le vol des (précieuses) grappes de raisin. Je suis une grande amatrice de champagne et je l’ignorais totalement !
Un peu plus tard dans l’année, ils vont surveiller les parcs à huîtres pour limiter les vols avant la période si stratégique des fêtes de fin d’année pour les ostréiculteurs.
Et puis, même si la Garde Républicaine reste très liée à Paris, il y a aussi des patrouilles en région, notamment sur les littoraux pendant la saison touristique.

Le Quartier des Célestins et les chevaux de la Garde Républicaine
Evidemment, dès que l’on pénètre dans le Quartier des Célestins, notre regard est attiré non pas par les hommes et femmes… mais par les chevaux, et par un vaste espace où ils s’entraînent, sur un sol très léger et plaisant pour eux.
Chaque cavalier a son cheval attitré… et celui-ci ne lui est pas attribué d’office, il est choisi par affinité. Jusqu’à ses 16 ans au moins, le cheval va tout partager avec son humain, les patrouilles comme les heures d’entraînement quotidiennes. Toutefois, le cheval est aussi monté par d’autres cavaliers afin qu’il reste docile avec tout le monde !

La plupart des chevaux sont de la race « Selle Français »… et vous verrez dans leur box la petite mention « SF » qui fait référence à leur race. La couleur de la robe dépend de la caserne où l’on se trouve car chaque escadron a sa couleur : la fanfare et le 1er escadron, qui sont basés dans le quartier des Célestins, sont ainsi des alezans (brun roux, sans poils noirs). Les 2e et 3e escadrons ont respectivement des chevaux en bais et bais bruns.
Le parcours du cheval au sein de la Garde Républicaine
Les chevaux n’arrivent pas tout de suite aux Célestins, ils doivent d’abord apprendre ! Achetés tout jeunes à des haras, les poulains commencent leur formation (le « débourrage ») à 3 ans à Saint-Germain-en-Laye. Ils ont déjà été sélectionnés pour leur caractère facile et leur physique élégant et robuste… mais on leur fait découvrir peu à peu le milieu urbain.
Vers l’âge de 4 ans, ils arrivent au sein de la Garde Républicaine où ils vont s’accoutumer à l’environnement militaire et à leurs futures missions de surveillance, avant d’être envoyés sur le terrain.

Un lien unique se tisse alors avec leur cavalier. En général, le cheval travaille jusqu’à l’âge de 16 ans (sauf problème particulier). Il passe ensuite des visites vétérinaires régulières, permettant parfois de prolonger son service jusqu’à 18 ans s’il est en très bonne santé. Ensuite, c’est l’heure de la retraite !
Le cavalier peut acheter son cheval pour 1€ symbolique s’il prouve – par un solide dossier – qu’il pourra lui offrir une belle vie (un cheval vit en moyenne une trentaine d’années). Sinon, le cheval est vendu à un autre acquéreur qui, là encore, n’aura pas le droit de l’exploiter à des fins commerciales et devra prouver qu’il lui assurera une qualité de vie digne.
Les écuries et équipements de la Garde Républicaine
Au quartier des Célestins, les 180 chevaux sont traités comme des Rois !

Ils sont répartis dans plusieurs écuries où ils disposent de boxes confortables, avec foin et pierre de sel, à leur nom, avec des petits écriteaux indiquant leur régime alimentaire du matin, du midi, du soir et parfois du goûter !

D’ailleurs, je vous présente Bocage, qui avait très envie de prendre la pose !

A l’extérieur, il y a des zones dédiées permettant de les brosser et de les laver au jet d’eau après les entraînements. L’occasion de capturer de beaux moments de complicité…

Notre guide nous fait entrer dans les écuries… et nous montre également la forge. Les chevaux sont ferrés tous les 45 jours (le fer protège le pied du cheval) par le maréchal-ferrant : soit à la française, c’est-à-dire en présence du cavalier qui assiste le maréchal-ferrant ; soit à l’anglaise, le maréchal-ferrant se débrouille alors tout seul !

Les chevaux disposent aussi d’un excellent suivi médical, avec 6 vétérinaires qui interviennent au quartier des Célestins. Celui-ci dispose d’une salle d’opération dernier cri, permettant de prendre en charge les chevaux en souffrance si nécessaire.
Qui dit chevaux… dit aussi crottin. Oui, parlons un peu des kilos de crottin qui s’échappent de ces « petites » bêtes ;) Figurez-vous d’abord que chaque cavalier ramasse avec soin les déjections de son cheval après l’entraînement, dans le manège par exemple. Question de propreté, mais aussi de savoir-vivre envers ses collègues !
Figurez-vous aussi que ce crottin remplit une mission bien particulière : deux fois par semaine, tout le quartier des Célestins est nettoyé de fond en comble de son crottin… et celui-ci est fourni aux agriculteurs qui gèrent les champignonnières de Paris. Le crottin est « recyclé » comme engrais pour que l’on profite de délicieux champignons de Paris ! Bon appétit ;)
Lors de notre visite de la Garde Républicaine, nous sommes entrés dans le manège Battesti, une structure superbe dont le toit a été créé par Gustave Eiffel en personne.

Ce manège accueille des entraînements tout au long de l’année, mais sert particulièrement quand il pleut !


Vivre au Quartier des Célestins
La plupart des militaires de la Garde Républicaine choisissent de vivre sur place, même si ce n’est pas une obligation. C’est en effet beaucoup plus pratique au quotidien, car tout est à portée de main !
Autrefois, on séparait les gens en fonction de leur statut marital. Les célibataires d’un côté…

… et les ménages de l’autre !

Aujourd’hui, cette subdivision n’a plus lieu d’être mais le bâtiment en garde la trace : les logements du côté des célibataires sont bien plus étriqués, et des travaux seraient prévus pour les rendre plus confortables.
Beaucoup de familles vivent ici, et les enfants ont la chance de pouvoir s’initier à l’équitation avec des chevaux d’exception !
C’est une vraie petite communauté : boîtes aux lettres, tableau à l’entrée de la Caserne des Célestins qui prévient s’il y a des colis à récupérer, des vêtements professionnels, etc.
La salle de traditions de la Garde Républicaine
La caserne des Célestins possède aussi son propre petit musée, quelques allées bordées de vitrines qui retracent l’histoire et montrent les uniformes de la Garde Républicaine au fil du temps.

Comment faire une visite à la Garde Républicaine ?
Si vous souhaitez vivre à votre tour cette expérience hors norme, je vous recommande les visites organisées par Cultival. Plusieurs d’entre elles sont consacrées à la Garde Républicaine : quartier des Célestins, quartier Carnot (près du bois de Vincennes) mais aussi entraînements de la Garde…
Ça fait aussi partie des lieux que l’on peut découvrir lors des Journées du Patrimoine mais clairement, ce ne sera pas les mêmes conditions de visite (beaucoup plus de monde et de grandes files d’attente !).
Il est plus intéressant de visiter la caserne des Célestins en dehors du « plein été » car durant l’été, beaucoup de chevaux « prennent des vacances » et quittent la caserne, ils sont donc moins nombreux sur place. Sachez aussi que la forge est fermée le samedi, ce qui n’empêche pas de regarder à l’intérieur par les fenêtres !

L’entrée s’effectue sur le boulevard Henri IV, métro Sully-Morland (ligne 7).
Pour ma part, je vais garder un très beau souvenir de cette visite. Je crois l’avoir déjà dit sur le blog, mais j’ai énormément de respect pour ceux qui défendent des valeurs et des idéaux « plus grands qu’eux-mêmes ».
Bien sûr, il y a parfois des controverses, des « brebis galeuses » qui peuvent ternir l’image de la gendarmerie, de la police, de l’armée… mais n’oublions pas tous ceux qui sacrifient beaucoup – et parfois jusqu’à leur propre vie – au nom de la sécurité collective et nationale. A une époque parfois très individualiste, ça a beaucoup de sens.
Hello ! Je suis en congé maternité jusqu'à l'été 2023. Pendant cette période, les commentaires sont fermés.
Très bel article et découverte, merci ????
Merci Sabrina, c’est une très belle visite effectivement ;)