Aujourd’hui, je vais vous présenter un point de repère central de Cracovie, qui est aussi un bâtiment très typique des villes d’Europe situées sur des routes commerciales : Sukiennice, la Halle aux Draps de Cracovie.
Elle se situe sur la place principale (Rynek Glowny) et abrite plein de petites boutiques et un musée. Sukiennice est aussi un lieu très photogénique, en particulier quand vous allez contempler la place depuis la tour de la basilique Sainte-Marie de Cracovie.
La Halle aux Draps de Cracovie, un héritage des routes commerciales
La tradition de construire des « Halles aux Draps » remonte probablement au Moyen-Âge, et a perduré en Europe jusqu’au 17e siècle. On parle d’une époque où certaines villes étaient de véritables carrefours commerciaux, traversées par des routes empruntées par de nombreux marchands.
Alors on a bâti ces édifices dédiés à la vente, et plus particulièrement à la vente de tissus, d’où le nom de « halles aux draps ». En réalité, on y commercialisait aussi de la soie, du cuir, de la cire, des épices…
On en trouvait par exemple en Belgique, en Irlande, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Biélorussie (où certaines ont été construites plus tardivement, au 18e siècle) ou encore au Royaume-Uni. D’ailleurs, Londres possédait aussi sa Halle aux Draps, Drapers’ Hall, située à deux pas du Leadenhall Market près de la City. Cette splendide salle richement ornée accueille aujourd’hui des événements.
Sukiennice à Cracovie servait au commerce de produits exotiques comme ceux évoqués plus haut, mais permettait aussi à la ville d’exporter certaines de ses spécialités, comme le sel issu de la mine de sel de Wieliczka.

Sukiennice et le Rynek Glowny
Sukiennice se situe au milieu de la place principale de Cracovie, Rynek Glowny. C’est tout simplement la plus vaste place principale médiévale de toute l’Europe ! Elle occupe près de 4 hectares.
L’ambiance sur place vous fait instantanément tomber sous le charme de Cracovie : des marchands installés partout, protégés par des parasols jaunes, commercialisent notamment des fleurs séchées ; des calèches circulent au pas autour de la place ; les deux tours de taille inégale de la basilique Sainte-Marie de Cracovie dominent le paysage avec, face à elles, la tour de l’hôtel de ville, plus modeste. Les cafés, les restaurants animent le pourtour de la place… On se sent bien, tout simplement.

Sukiennice, au coeur de la ville médiévale
La place connaît un parcours tortueux, ravagée par l’invasion mongole de Cracovie au 13e siècle. Fort heureusement, elle est ensuite reconstruite. Très vite, elle devient le coeur économique et administratif de la ville médiévale. Au 14e siècle, on y bâtit une première halle aux draps et une mairie.
C’est un lieu d’intérêt central à Cracovie et, à ce titre, elle accueille aussi bien les invités de prestige qui viennent dans ce qui est à l’époque la capitale du royaume de Pologne… que les exécutions de prisonniers détenus dans les geôles de la mairie.
La place se situe aussi sur la route du couronnement, empruntée par les Rois couronnés dans la cathédrale du Wawel.
Les commerçants sont installés sur des étals en bois alignés de part et d’autre d’une sorte d’allée, qui ferme chaque soir des deux côtés. Au tout début du 14e siècle, on y ajoute un toit si bien que le futur Sukiennice commence à ressembler davantage à un marché couvert.
Quelques décennies plus tard, on agrandit l’ouvrage et on le perfectionne : les marchands peuvent désormais profiter de petites « échoppes » de 7.5 mètres de profondeur donnant sur une halle de 10 mètres de large et 108 mètres de long. A chaque bout, des arcades de style gothique. Hélas, en 1555, un incendie terrible ravage le bâtiment.

La renaissance de la Halle aux Draps
Sukiennice occupe désormais une place si centrale dans la vie de Cracovie qu’il paraît incontestable de laisser le bâtiment tomber en ruines suite à l’incendie. On lance une grande restauration dans un style Renaissance. L’architecte et sculpteur italien Santi Gucci imagine un étage, le sculpteur – italien aussi – Giammaria Mosca construit des loggias. On ajoute plus tard des avant-corps (qui font saillie sur le bâtiment).
Le bâtiment résiste à l’épreuve du temps mais, à la fin du 19e siècle, il est à nouveau reconstruit dans le cadre d’un grand « dépoussiérage » du Rynek Glowny qui pousse les autorités à revoir aussi l’architecture de la Halle aux Draps de Cracovie.
On réinstalle à cette occasion des petites « échoppes » de part et d’autre du bâtiment, permettant aux commerçants de venir s’installer. On ajoute des arcades supplémentaires, ainsi que des ornements représentant les villes de Pologne, les présidents successifs de Cracovie, on aménage l’étage afin qu’il puisse accueillir un musée…
Plus récemment, la ville a investi une très forte somme d’argent afin de rénover totalement Sukiennice, pour que le bâtiment continue à traverser l’histoire. Cette rénovation a été achevée en 2010.

Le Rynek Glowny et Sukiennice à Cracovie aujourd’hui
La place principale du centre historique en a connu, des tourments de l’histoire ! Elle a même connu la tragédie d’être rebaptisée « Place Adolf Hitler » (ou plutôt « Adolf Hitler-Platz ») pendant les temps les plus sombres du 20e siècle. Sukiennice ornait à l’époque les billets de banque de 50 zlotys, fleuron de la Pologne envers et contre tout !
Mais les nazis n’ont pas pu venir à bout de la longue et belle histoire du Rynek Glowny, qui est classé à l’UNESCO depuis 1978. La plupart des bâtiments qui entourent la place, et que vous pouvez encore voir aujourd’hui, ont plusieurs siècles d’existence. Bien sûr, ils ont été rénovés, repensés, rebâtis en partie au gré des évolutions stylistiques de l’architecture… mais un passionné saura dénicher les traces d’un passé bien plus ancien.

Les bonnes adresses du Rynek Glowny
Parmi les lieux les plus mythiques, on peut citer le Restauracja Wierzynek, un restaurant gastronomique qui existait déjà au 14e siècle ! Une légende raconte que c’est grâce à ce restaurant et à un festin pantagruélique de 21 jours que les dirigeants d’Europe ont résolu certains désaccords.
Le Rynek Glowny de Cracovie est aujourd’hui entouré de boutiques et de restaurants, si bien qu’il a gardé sa fonction initiale de « coeur de ville ». J’y ai passé pas mal de temps, j’y ai testé pas mal d’adresses, et si vous voulez aller manger sur cette place, je vous conseille notamment :
- Dobra Kasza Nasza, un restaurant polonais plutôt correct et très apprécié des touristes, preuve que l’un n’empêche pas l’autre.
- Sioux, qui a une carte assez variée et sert des portions généreuses.
- Pimiento Argentino Grill, un restaurant voisin, plutôt destiné aux amateurs de viande.
- Pour le petit-déjeuner ou le goûter, le chocolatier E. Wedel.
Si vous voulez vraiment goûter à toute la dimension historique du Rynek Glowny, poussez la porte du bar Piwnica Pod Baranami. Il est installé dans une cave sans âge qui vous donnera l’impression d’un voyage dans le temps instantané. Et en plus, les cocktails y sont très bons !

La tour de l’hôtel de ville de Cracovie
Sur la place elle-même, vous pouvez visiter la tour de l’hôtel de ville, une visite sans prétention avec de hautes marches taillées dans la pierre, qui débouchent sur une salle offrant une petite fenêtre sur la basilique Sainte-Marie de Cracovie.

La mairie qui accompagnait la tour a été démolie en 1820, victime à la fois de la volonté de transformer la place et des remous politiques qui ont poussé la Pologne de main en main pendant des décennies… Le bâtiment datait du 14e siècle et aurait dû être détruit en totalité. Ce sont des habitants influents qui, en se battant, ont pu en sauver une infirme partie : cette tour de 70 mètres de hauteur.
Si vous avez l’impression qu’elle penche un peu… vous avez raison ! C’est infime, mais elle penche de 55 centimètres très exactement depuis plus de 3 siècles, victime d’un violent orage où le ciel lui est tombé sur la tête :)

Pour être franche, ce n’est pas la vue de Cracovie que j’ai préférée (j’ai plus apprécié celle depuis le sommet de la basilique Sainte-Marie) mais ça reste très plaisant et rapide à visiter ! On peut admirer dans la salle du haut le mécanisme de l’horloge ancienne de la tour, qui capte les informations sur l’heure par un système de grandes ondes envoyées depuis Mainflingen, une ville d’Allemagne proche de Francfort.
Vous pouvez retrouver les horaires d’ouverture et les tarifs de la tour de l’hôtel de ville ici.

Sukiennice et son vieux couteau
Aujourd’hui, Sukiennice accueille encore des marchands et nombreux sont les visiteurs qui vont y flâner pour choisir des souvenirs à rapporter de Cracovie. On trouve notamment de l’ambre, des fourrures, de la céramique, des magnets, des boîtes en bois, des jeux d’échecs eux aussi en bois, des « peaux de bête », des figurines sculptées, des icônes religieuses, des tote bags, des dragons en peluche (une référence à la légende du Dragon du Wawel dont j’ai parlé dans mon article sur le château).
En général, les horaires de la Halle aux Draps de Cracovie sont 10h à 18h, avec une fermeture le lundi. L’accès est gratuit.

Au premier étage, vous pouvez visiter une galerie d’art consacrée à l’art polonais du 19e siècle (peinture et sculpture). Elle a ses propres horaires d’ouverture, que vous pouvez retrouver en ligne ici.
Si vous aimez les mystères, il y a plusieurs choses à observer autour de Sukiennice… à commencer par un mythique couteau un peu rouillé, suspendu sur l’un des côtés du bâtiment (la longue façade donnant sur la basilique).
Les historiens pensent qu’un couteau a été suspendu à Sukiennice dès le Moyen-Âge : à l’époque, le « droit de Magdebourg » s’appliquait à Cracovie, un faisceau de lois destinées à protéger les citoyens de la ville et leurs biens.
Un voleur pouvait se faire trancher les oreilles… voire la main en cas de vol « grave », et ce couteau aurait servi à rappeler aux délinquants le sort qui les attendait, dans un lieu où s’échangeaient des marchandises convoitées.

Mais la légende raconte aussi que ce couteau a été impliqué dans un meurtre (je vous en parle plus en détails dans mon article sur la basilique Sainte-Marie) : les deux frères qui construisaient la basilique ont chacun pris en charge une tour. L’un des frères, voyant que l’autre avait une tour plus haute que la sienne, l’aurait tué par jalousie, avant de se suicider en se jetant de la tour la plus haute.
Le couteau de Sukiennice serait « LE » couteau du meurtre. Pour les plus terre-à-terre d’entre vous, vous imaginez bien que le couteau n’a plus rien d’authentique ou original ;) Volé à de multiples reprises par les touristes, c’est aujourd’hui un « couteau lambda »… ce qui ne lui enlève pas sa symbolique !
Le sous-sol du Rynek Glowny
Il faut savoir qu’au fil des siècles, le Rynek Glowny s’est peu à peu surélevé. Il est aujourd’hui pas moins de 5 mètres plus haut que le niveau qu’il avait à certaines époques… et vous devinez ce que ça signifie ? Il se passe plein de choses en sous-sol ! C’est grâce à ça que l’on trouve encore des lieux comme le bar dont je vous parlais.
Il y avait aussi des échoppes en pierre, à une époque, qui jouxtaient Sukiennice du côté du monument dédié à Adam Mickiewicz. On les surnommait les « Kramy Bogate », les échoppes de luxe, car on y commercialisait des produits de luxe comme la soie. Elles ont été détruites lors de la rénovation du Rynek Glowny à la fin du 19e siècle mais ces échoppes luxueuses bénéficiaient d’un sous-sol de 12m² pour le stockage des marchandises… et vous pourrez en voir des vestiges en visitant le musée Rynek Underground.
On trouve d’autres vestiges historiques, comme ceux des anciens hôtels de la monnaie. Dans le musée, vous aurez le privilège d’arpenter des passerelles au plancher transparent surplombant tout juste le sol du Rynek Glowny médiéval.

Vous pouvez retrouver les tarifs et horaires d’ouverture du musée Rynek Underground ici.
Sachez qu’il existe aussi des visites guidées privées de la ville en français incluant un passage par ce musée. Elles sont proposées par l’agence EOS Tours (plus d’informations ici).
Autres lieux d’intérêt du Rynek Glowny à Cracovie
La basilique Sainte-Marie elle-même, dont j’ai pas mal parlé dans l’article, donne sur cette place médiévale. Elle mérite vraiment une visite ! Vous pouvez également monter dans la tour et écouter le « signal à la trompette », une mélodie jouée toutes les heures.
Mentionnons également l’église Saint Adalbert. Cette toute petite église qui semble « posée » sur la place n’a l’air de rien… mais est pourtant l’une des plus vieilles églises en pierre de Pologne. Elle date du 11e siècle et rend hommage au missionnaire St Adalbert. C’est assez petit, avec un décor baroque (issu d’une rénovation de l’église au 17e siècle).

Vous verrez également sur la place une statue dédiée à Adam Mickiewicz, grand poète polonais. Ou encore un monument en hommage à Walenty Badylak : en 1980, ce boulanger à la retraite s’est enchaîné à une bouche d’incendie qui existait sur le Rynek Glowny et s’est immolé par le feu pour protester contre le silence ayant entouré le massacre de Katyn (plusieurs milliers de Polonais jugés hostiles au régime communiste ont été assassinés froidement dans la forêt du même nom par la police politique de l’Union Soviétique en 1940). Bien que la presse l’ait accusé d’être « mentalement perturbé », son acte a trouvé un fort écho auprès de la population et ce monument en forme de puits lui a été dédié.

Les calèches qui circulent sur la place vous donneront peut-être l’impression d’être un « simple piège à touristes » et il faut avouer qu’on en retrouve aujourd’hui dans pas mal de villes, j’en ai aussi vu à Wroclaw, une autre jolie ville de Pologne.
A Cracovie, il s’agit en réalité d’un clin d’oeil historique à la première moitié du 19e siècle, où l’on a vu apparaître les premiers « taxis »… ou plutôt, services de location de fiacres. Les gens qui n’avaient pas les moyens de posséder leur propre véhicule pouvaient en louer un ponctuellement pour leurs déplacements !

Aujourd’hui, il y a pas mal de sociétés différentes qui se partagent le marché, proposant des balades touristiques. Vous pouvez directement négocier avec le conducteur pour choisir la destination. Beaucoup proposent de faire le trajet entre le Rynek Glowny et le château du Wawel, ce qui prend environ une demi-heure en calèche pour un tarif oscillant en général entre 200 et 300 zlotys (selon la saison, il y a des variations tarifaires parfois assez importantes et il ne faut pas hésiter à négocier pour essayer de faire baisser le tarif !).
J’espère que vous aurez l’occasion d’aller découvrir tout ça de vos propres yeux ! N’hésitez pas à consulter mon guide de voyage à Cracovie pour préparer un week-end ou un séjour sur place !
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