Aujourd’hui, je vous emmène à la découverte de deux quartiers de Cracovie en Pologne dont l’histoire est très liée : le quartier de Podgorze… et le quartier juif de Cracovie, Kazimierz. Une ambiance vraiment agréable, du street art et plein de choses à visiter !
Conseils voyage
L’histoire du quartier juif de Kazimierz à Cracovie
Cracovie a longtemps abrité une très grosse communauté juive, elle représentait plus du tiers de la population locale avant la Seconde Guerre Mondiale.
Dès le 13ème siècle, les Juifs ont commencé à cohabiter harmonieusement avec les catholiques polonais dans la Vieille Ville (en particulier aux abords de la Plac Szczepanski), malgré quelques écueils occasionnels de chrétiens fanatiques qui voulaient durcir les règles de leur présence sur place.
Au 15e siècle, la ville a construit une grande synagogue dans le quartier de Kazimierz, au sud de la Vieille Ville de Cracovie. Elle existe encore aujourd’hui sous le nom de « Vieille Synagogue ».

A l’époque, Kazimierz était une ville indépendante… et lorsqu’un incendie gigantesque a ravagé la Vieille Ville de Cracovie, le Roi a assez poussé les Juifs à aller s’installer à Kazimierz.
C’est ainsi que la ville est devenue le lieu de résidence privilégié de la communauté juive : les Juifs représentaient la moitié de la population de Kazimierz, au point que l’on a surnommé leur quartier « Oppidum Judaeorum », « la ville juive ». Ce quartier était entouré de murs, le séparant des autres.
Au 19ème siècle, Kazimierz est devenue un quartier de Cracovie à part entière. On a détruit les murs qui encerclaient la ville juive. Forcément, certains habitants (qui étaient assez entassés dans le petit périmètre de la ville juive) ont pu se reloger dans de meilleures conditions à Kazimierz ou dans le quartier voisin de Podgorze, élargissant les frontières du quartier juif de Cracovie.
Néanmoins, il faut savoir que les Juifs pratiquants ne peuvent pas emprunter les transports pendant Shabbat. C’est pour cette raison qu’ils choisissent souvent de vivre à proximité des synagogues. Kazimierz n’échappe pas à la règle et même si le quartier n’avait plus de frontières « matérielles », beaucoup de Juifs sont néanmoins restés près des synagogues de la ville juive, si bien que le quartier a gardé son lien avec cette communauté.
Kazimierz compte, encore aujourd’hui, une foule de synagogues dans un tout petit périmètre : la Vieille Synagogue (« Stara Synagoga »), la synagogue Izaak, la synagogue Kupa, la synagogue Tempel, la synagogue Popper, la synagogue Remuh, la haute synagogue (« Wysoka Synagoga »)… Il faut y ajouter des cimetières juifs (un ancien et un nouveau).

La Seconde Guerre Mondiale a décimé cette communauté, seuls 4000 Juifs sur 78000 sont revenus, la plupart entraînés vers le camp d’Auschwitz-Birkenau ou enrôlés dans le camp de Plaszow pour le travail forcé.
Alors, au lendemain de la guerre, le quartier de Kazimierz n’était plus qu’une coquille vide, dont le nouveau pouvoir communiste n’avait pas grand-chose à faire…
Pourtant, quand on regarde Kazimierz aujourd’hui, c’est un quartier extrêmement vivant et agréable. Comment s’est-il donc relevé d’un épisode historique si tragique ?

La réalité est probablement qu’il ne s’en est pas relevé… car rien ne peut faire oublier que la communauté juive du Kazimierz actuel se résume à quelques centaines de personnes. Néanmoins, le quartier a retrouvé un souffle de vie grâce à deux événements culturels : la création d’un festival de la culture juive en 1988, rapidement devenu le plus gros d’Europe… et le tournage du film La Liste de Schindler.
Steven Spielberg a en effet tourné de nombreuses scènes de son film dans le quartier de Kazimierz, plus « photogénique » que Podgorze (où se sont en réalité déroulés la plupart des événements pendant la Seconde Guerre Mondiale). Les touristes ont commencé à s’y intéresser et la ville a engagé des dépenses pour restaurer le quartier, tandis que des boutiques juives ont refait leur apparition à Kazimierz.
C’est ainsi que l’on en arrive au Kazimierz d’aujourd’hui, un quartier très agréable à visiter à Cracovie !

Premiers pas dans le quartier de Kazimierz
A Cracovie, vous trouverez une foule d’agences de voyage qui proposent des visites du quartier juif de Kazimierz, en voiturette et/ou à pied ! Certains de ces circuits sont même gratuits, on m’a chaudement recommandé celui-ci (en anglais). Vous trouverez aussi beaucoup de visites guidées à réserver à l’avance, via GetYourGuide par exemple.
Pour ma part, j’ai décidé de visiter à pied. Le tramway (lignes 3, 24) vous dépose à l’arrêt Miodowa, sur Starowislna, un grand boulevard qui longe Kazimierz. D’un côté de la route, vous pouvez visiter le nouveau cimetière juif (Nowy cmentarz zydowski) créé en 1800. Il est ouvert de 9h à 16h tous les jours sauf le samedi.
Pour les hommes, le gardien du cimetière vous prêtera une kippa pour la visite. Le cimetière est encore en activité.

Pour ma part, j’ai visité Cracovie à la période de Soukkot, la « Fête des Cabanes »… donc certains lieux étaient fermés au public. Je le savais avant de me rendre sur place mais si vous n’êtes pas familier avec la religion juive, renseignez-vous avant pour éviter les déceptions : de manière générale, les lieux juifs sont fermés le samedi (et ferment parfois plus tôt le vendredi) en raison de Shabbat… et sont également fermés lors des fêtes religieuses. Vous pouvez retrouver une liste de ces fêtes en ligne.
De l’autre côté du boulevard Starowislna, on entre dans le quartier juif de Cracovie proprement dit… en commençant par la rue/place Szeroka, qui est aujourd’hui au cœur de Kazimierz. C’est là que se sont réinstallés beaucoup de restaurants et de boutiques juives (librairies, etc). L’ambiance est vraiment agréable (même si, évidemment, c’est la partie la plus touristique de Kazimierz !).
C’est aussi là que l’on trouve un mémorial aux habitants de Cracovie victimes du nazisme.

Sur cette place donne la synagogue Remuh, accolée à l’ancien cimetière juif. On peut la visiter de 9h à 16h (parfois plus tard en été), hors fêtes juives et vendredi. Elle est encore en fonctionnement et le prix de l’entrée permet d’entretenir le lieu. La synagogue Remuh doit son nom au rabbin Moses Isserles, dont l’acronyme hébreu est « Rema », qui est enterré près de sa synagogue.

La synagogue Remuh a dû être reconstruite seulement 4 ans après sa construction initiale en 1553, à cause d’un énorme incendie qui l’a entièrement ravagée. Elle a été largement restaurée après la Seconde Guerre Mondiale car l’intérieur avait été dévasté par les nazis.
Le vieux cimetière juif, quant à lui, aurait été fondé à peu près à la même période. Il a été détruit par les nazis, qui se sont servis du terrain pour en faire une décharge (ça se passe de commentaire…), l’une des rares tombes restées intactes était justement celle de Moses Isserles. Les autres pierres tombales ont été exhumées et replacées (pas forcément à leur emplacement initial).
Quant aux pierres trop endommagées pour être replacées dans le cimetière, elles ont donné lieu à la construction d’un mur des Lamentations.

A l’entrée de la synagogue Remuh, on trouve la statue de Jan Karski, un résistant polonais. Élevé dans la religion catholique, il a épousé une femme juive et, à seulement 25 ans, a rejoint un mouvement de résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Il a servi de messager entre différents pays d’Europe et a été capturé par la Gestapo dans les Tatras. Torturé, il est parvenu à s’enfuir et a décidé de reprendre son activité de résistant. Il a notamment joué un grand rôle dans le fait d’informer certains pays (la Pologne elle-même mais aussi le Royaume-Uni et les USA) de l’holocauste qui était en cours en Pologne.

Le quartier juif de Cracovie compte tellement de synagogues qu’il faut souvent faire des choix quand on visite la ville, à moins d’axer son séjour sur le sujet ! La synagogue Tempel séduit souvent les touristes par son intérieur richement orné mais si vous voulez en apprendre plus sur la vie juive, c’est à la Vieille Synagogue qu’il faut aller !
Vieille Synagogue de Cracovie : plongée dans les traditions juives
La Vieille Synagogue de Cracovie ne joue plus de rôle religieux aujourd’hui mais abrite un musée très intéressant sur toutes les traditions juives. C’est un musée « à l’ancienne » avec des vitrines et panneaux explicatifs… mais il n’en demeure pas moins passionnant.
Déjà, si vous n’êtes jamais entré dans une synagogue, c’est l’occasion de le faire et de découvrir à quoi ressemble l’intérieur de ce type d’édifice religieux (même si, il faut l’avouer, il existe des synagogues très différentes les unes des autres !).

Ensuite, vous apprendrez plein de choses sur les objets rituels juifs, les temps forts de l’année juive (Yom Kippour, Hannuka, etc.) et de la vie juive en général (bar mitzvah, mariage, deuil, prière…).
La Vieille Synagogue comporte aussi une partie sur l’histoire du bâtiment lui-même.

Le quartier juif de Cracovie aujourd’hui… et le street art
Kazimierz séduit aujourd’hui beaucoup de gens, que l’on cherche à pister les lieux de tournage de la Liste de Schindler comme cette petite cour au 12 rue Jozefa…

… ou que l’on ait une petite faim. On peut en effet aller grignoter sur la Plac Nowy, ancienne place centrale du quartier juif de Cracovie au point qu’on la surnommait la « Place juive ». La Plac Nowy n’a clairement pas le côté propre, rangé et joliment élégant du Rynek Glowny dans la Vieille Ville de Cracovie… mais elle dégage un sentiment très convivial, avec les marchands et les « stands » de nourriture.

Sans oublier tous ceux qui s’intéressent au street art ! En effet, Kazimierz est pour les artistes de rue un véritable espace de créativité. C’est d’ailleurs un point de départ très sympathique pour visiter le quartier.
Il y a de grandes fresques, comme celle du Musée Juif de Galicie…

Ou celle-ci à l’entrée de la rue Nowa (Ulica Nowa).

Ou ces œuvres adjacentes au niveau du 17 rue Jozefa.

Mais aussi plein d’œuvres plus petites.


On les trouve aussi bien au ras du sol qu’au-dessus des toits !


Le plus simple est d’arpenter toutes les rues au gré de vos découvertes… mais si vous êtes pressé, je vous conseille la rue Bozego Ciala et les abords de la « place des food trucks » (Skwer Judah), une place qui accueille plein de camions de nourriture et autour de laquelle j’ai repéré plusieurs œuvres.

Pour le goûter, je me suis arrêtée dans une pâtisserie au nom très anglais (« The Gallery of Artistic Cakes »), que je vous conseille pour un break gourmand à Kazimierz. Les gâteaux étaient très bons, avec une pâte fine et délicate.

Kazimierz est un quartier qui dégage beaucoup de convivialité. Au passage, je ne peux pas m’empêcher de glisser que j’ai repéré un magasin de déco très sympa, Zapach Domu (sur la rue Miodowa), qui proposait beaucoup de bougies et de souvenirs de qualité (à des prix pas donnés, certes !).
De Kazimierz, il est très facile de prendre à pied la direction du quartier adjacent, Podgorze, dont l’histoire est indissociable de celle du quartier juif.
Podgorze, un quartier qui peine à se relever
Plusieurs ponts enjambent la Vistule, notamment un pont piéton (Kładka Ojca Bernatka). Il est très récent, inauguré en 2010… et c’est un élément important pour « désenclaver » le quartier de Podgorze et lui permettre de bénéficier un peu des bénéfices du tourisme à Cracovie.
Il est rapidement devenu un « pont des amoureux », les couples y accrochant des cadenas puis jetant la clé dans la Vistule.

On y trouve aussi des sculptures sportives.


Le pont est critiqué par certains habitants de Cracovie, qui estiment qu’il fait double emploi avec un pont voisin disposant déjà d’une voie piétonne… et que l’argent aurait dû servir à rénover les rues. Un sentiment que je peux comprendre car la première image que j’ai eue de Podgorze, c’est celle-ci, depuis l’autre rive de la Vistule.
Un quartier gris… contrastant tristement avec le charme coloré de Kazimierz.

Podgorze signifie « au pied de la colline », une référence sans doute au tumulus Krakus qui se situe à proximité et que je vous ai suggéré de visiter pour profiter d’une belle vue sur Cracovie.
Le quartier de Podgorze reste aujourd’hui profondément marqué par son histoire tragique : il a accueilli le ghetto de Cracovie, une petite enclave de quelques rues où la population juive de Cracovie a dû s’entasser avant la déportation vers les camps de concentration pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Podgorze n’a pas encore bénéficié du renouveau artistique et touristique dont a pu profiter Kazimierz. La rue Jozefinska, qui était autrefois au cœur du quartier, paraît profondément délabrée aujourd’hui. On sent pourtant un potentiel incroyable derrière la belle architecture de certaines rues du quartier.

Si l’on vient souvent à Kazimierz pour son ambiance, son street art et ses cafés autant que pour son histoire… j’ai l’impression que l’on va surtout à Podgorze pour son histoire.
La Place Bohaterow Getta (Place des héros du ghetto) témoigne de ce passé tragique : c’était autrefois le point de départ des déportations vers les camps de concentration… mais c’était aussi la place principale du ghetto, celle où se nouaient des rencontres et parfois des actes de gratitude.
En effet, sur cette place, se trouve l’Apkeka Pod Orlem, une ancienne pharmacie que l’on peut aujourd’hui visiter. Le pharmacien s’efforçait d’apporter un peu de réconfort à la population juive prisonnière du ghetto en transmettant clandestinement des paquets et des messages.

La place a longtemps été laissée dans un relatif abandon et n’a été rénovée qu’en 2005. J’en ai tiré la même impression que lors de ma visite du camp de Plaszow : la prise en considération de l’histoire tragique de Cracovie est finalement très récente et il reste beaucoup à faire pour la préserver.
La place Bohaterow Getta accueille aujourd’hui des chaises en métal, disposées à intervalle régulier. Elles symbolisent à la fois le départ, l’attente de toutes ces personnes qui devaient abandonner leur vie d’avant sur cette place… et le non-retour, les chaises étant totalement vides.

Un peu plus loin, au niveau de la rue Lipowa, on peut voir les vestiges de l’ancien mur du ghetto, pourvus d’une discrète plaque commémorative dans une rue ordinaire…

On peut enfin marcher jusqu’à l’usine d’Oskar Schindler, qui là encore n’a été transformée que récemment en musée. Un musée sublime, que je vous conseille vraiment d’aller visiter.
Cracovie est une ville profondément attirante et encore préservée du tourisme de masse par comparaison avec d’autres grandes villes d’Europe. Je pense qu’elle a beaucoup à offrir et Podgorze, si proche de la Vieille Ville, pourrait bien tirer profit de ces opportunités !
Hello ! Je suis en congé maternité jusqu'à l'été 2023. Pendant cette période, les commentaires sont fermés.
On trouve rarement des expériences de voyageurs sur la Pologne. Merci pour cette découverte. Puis, les photos sont géniales. Cet endroit me semble si paisible. C’est l’idéal pour se ressourcer.
J’ai croisé très peu de Français sur place, ce n’est pas encore une destination qui attire beaucoup… Quand j’en ai parlé autour de moi, j’ai entendu pas mal de préjugés sur le pays. Je suis certaine que ça va évoluer dans les années à venir !