Je vous ai récemment parlé de ma visite à Bethléem près de Jérusalem, dans les territoires palestiniens et aujourd’hui, je tenais à consacrer un article au mur Israël-Palestine, un mur de séparation bâti entre les deux territoires… et à un petit musée installé dans le Walled-Off Hotel de Banksy, en Cisjordanie, aux portes de Jérusalem.
C’est une incursion dans la manière dont les Palestiniens perçoivent aujourd’hui le conflit… et dans la manière dont les artistes de rue ont transformé le mur en terrain d’expression et de protestation.
Pour ceux qui n’ont pas lu l’article sur Bethléem, je tiens à préciser que ce blog est un blog voyage et non un blog politique. Je vous livre ce que j’ai vu, ce que j’ai visité… mais évidemment, chacun portera sur ce conflit un regard qui lui est propre.
Le mur Israël/Palestine, c’est quoi ?
Lorsque vous vous visitez Jérusalem, vous croisez très vite la route d’un mur fait de béton et de barbelés : la barrière de séparation d’Israël. Elle établit une séparation physique entre le territoire d’Israël et la Cisjordanie.
A l’origine, ce mur avait été présenté comme une mesure de sécurité temporaire dans un contexte de forte tension entre Israël et Palestine, lors de la Seconde intifada entre 2000 et 2005. Les désaccords étaient déjà à leur paroxysme entre les deux camps. En l’an 2000, quand Ariel Sharon – chef de file du Likoud, parti israélien qui ne reconnaît pas l’existence d’un État Palestinien – se rend sur l’Esplanade des Mosquées à Jérusalem, cette visite est perçue par les Palestiniens et les Arabes vivant en Israël comme une provocation.
Cela déclenche un soulèvement. De nombreuses émeutes éclatent dans la région, on dénombre plusieurs dizaines d’attentats-suicides, notamment dans des villes israéliennes. Ils provoquent de lourdes pertes chez les civils. En juin 2001, un attentat dans une discothèque de Tel Aviv provoque la mort de 21 personnes et en blesse 120 autres, en majorité de très jeunes gens.
L’opinion publique israélienne soutient donc massivement la décision du gouvernement de construire un mur de séparation entre Israël et territoires palestiniens. L’ONU condamne la décision.
Les uns l’appellent le « mur de la honte », « le « mur de l’apartheid », les autres parlent de « barrière de sécurité », de « mur de séparation » ou de « mur de protection »… Pas une appellation qui ne mette tout le monde d’accord.

Le tracé du mur entre Israël et Palestine
Le tracé du mur de séparation fait l’objet, vous vous en doutez, de nombreux débats, que ce soit côté palestinien, côté israélien et même à l’international, l’ONU suivant de près le tracé.
La barrière représente une longueur de 700 à 800 kilomètres selon les sources. Une large partie (95% environ), en zone rurale ou péri-urbaine, se compose de barbelés, et d’un grillage central, le tout souvent bordé de détecteurs de présence et de routes permettant le passage de patrouilles militaires. Dans les zones urbaines, ces grillages et barbelés font place à un mur en béton de 8 mètres de hauteur. Chaque bloc de béton mesure un mètre de largeur et pèse environ 17 tonnes.
Ce mur permet, dans les villes, d’occuper une surface réduite au sol (par comparaison avec des barbelés entourés de routes de surveillance) et de freiner de manière plus efficace d’éventuels tirs susceptibles de viser des zones où vivent beaucoup de civils.
Un cinquième du tracé de la barrière de séparation suit ce que l’on appelle la « ligne verte », la ligne déterminée par un armistice entre Israël et territoires palestiniens en 1949. Les 4/5e restants sont ceux de la discorde. En effet, ils englobent bon nombre de colonies israéliennes situées en Cisjordanie, ainsi que des puits (stratégiques, donc) et des terres fertiles, que les Palestiniens accusent Israël de leur retirer.
Si une terre fertile se retrouve « côté israélien », cela implique en effet que les propriétaires, vivant en Cisjordanie, obtiennent un permis spécial auprès des autorités israéliennes pour aller les cultiver. Entre les décisions gouvernementales, les décisions de la Cour suprême israélienne qui remet parfois en cause le tracé, et l’ONU qui souligne que le mur de séparation passe parfois à 23 km de la « ligne verte », s’enfonçant plus profondément dans les territoires occupés, c’est la barrière de la discorde.
Côté israélien, le mur Israël-Palestine est globalement perçu comme une sécurité indispensable contre les attentats et les autorités démentent toute « connotation politique » de cette barrière. Un argument que beaucoup de gens acceptent car dans les faits, le nombre d’attentats a effectivement baissé de manière considérable depuis que le mur de séparation existe.
Côté palestinien, le mur est perçu bien différemment. La population considère en général qu’il permet à Israël d’empiéter peu à peu sur son territoire, en portant atteinte à son droit de propriété, en la privant de l’accès à des terres fertiles et à certaines sources d’eau. Le mur a été jugé « contraire au droit international » par la Cour internationale de justice.

Le mur entre Israël et Palestine, tribune de libre expression
La première « rencontre » avec ce mur est un moment fort, qui donne à un fait historique une réalité tangible, palpable. Sur cette photo que j’ai prise sur place, on voit à la fois les barbelés et, sur le côté à droite de la photo, la partie bétonnée du mur.

Quand on se rend en Cisjordanie, on plonge très vite dans un univers saupoudré de constructions « de temps de guerre », entre miradors et barricades. La beauté du paysage, quand on traverse le désert de Judée par des routes en lacets s’ouvrant sur de grands canyons, fait oublier un temps la réalité… mais elle revient vite quand on longe le mur.
Vous constaterez qu’à de nombreux endroits, il est devenu un terrain d’expression pour la population, les artistes de rue mais aussi les visiteurs de passage qui y laissent une marque de leur venue ou de leur opinion sur le conflit. Dans toutes les langues.
Certains messages sont ouvertement politiques, comme ceux qui inscrivent le nom d’Ahed Tamimi, jeune militante palestinienne arrêtée et emprisonnée à l’âge de 16 ans après avoir giflé un militaire israélien qui se trouvait dans la cour de sa maison familiale. Décrite par Amnesty International comme la « Rosa Parks palestinienne », elle est médiatisée depuis un âge très précoce et vous croiserez plusieurs fois son portrait ou son nom sur les murs aux abords de Bethléem.
Ici, elle apparaît sur un immense portrait réalisé par l’artiste italien Jorit Agoch lors de la libération de la jeune fille. Portrait qui lui a valu d’être brièvement arrêté par l’armée israélienne.

Les inscriptions récurrentes « Israel go home » (Israël, rentre chez toi) et « Free Palestine » (Libérez la Palestine) côtoient une inscription en français disant « La Palestine vivra, la Palestine vaincra » et, toujours en français, un « Restez fort » (sic) et un « De tout coeur avec vous ».
On écrit au style bille, au marqueur ou avec des bombes de peinture mais on écrit. On trouve beaucoup de messages du type « Make XXX, not walls » (« Faites XXX, pas des murs »), comme ici avec ce « Make juices, not walls » (Faites des jus de fruits, pas des murs) :

Sur cette oeuvre, le n°10 argentin enturbanné d’un foulard noir et blanc (symbole de la Palestine), envoie une frappe du gauche bien cadrée dans les barbelés et le drapeau israélien.

Le hashtag « Mary Can’t Move » (Marie ne peut pas bouger) qui surplombe l’oeuvre fait probablement référence à un relais symbolique mené par 24 Palestiniens en 2016, justement intitulé « Mary Can’t Move » : 12 hommes, 12 femmes, habillés comme Marie et Joseph dans la Bible, ont couru de Nazareth à Bethléem, l’endroit où Marie aurait, selon certaines versions, donné naissance à Jésus. Ils ont dû faire d’importants détours, jusqu’à 30 kilomètres, pour pouvoir atteindre leur destination en contournant les points de contrôle de l’armée… Une initiative menée par « Right To Movement », une organisation qui revendique le droit à la libre circulation des personnes.
Et l’oeuvre montrant un âne face à un soldat israélien vérifiant sa pièce d’identité a été imaginée par Banksy. Elle a reçu des réactions diverses. Certains ont accusé l’artiste d’avoir comparé les Palestiniens à des ânes. D’autres ont expliqué qu’au contraire, l’âne symbolisait l’absurdité de la situation, les autorités israéliennes vérifiant même l’identité d’un âne.
Ici, on reconnaît la héroïne du film Wardi (sorti en 2018), une jeune réfugiée palestinienne.

En levant les yeux vers le mirador situé juste au-dessus, les 8 mètres de béton paraissent écrasants. On est « au pied du mur », littéralement.

Partout, on devine des gens qui ont marqué une trace de leur passage en inscrivant le nom de leur ville sur le mur (on croise même des villes « bien de chez nous », comme Vaulx-en-Velin), des messages de paix laissés par des personnes du monde entier… On croise des portraits, on croise une « fenêtre » ouverte dans le mur pour regarder de l’autre côté…
Et des messages, encore des messages comme cette citation de Napoléon : « En politique, la stupidité n’est pas un handicap ».

On voit une réinterprétation visuelle du jeu vidéo Super Mario, version miradors et soldats, avec pour titre « Les Palestiniens au Pays des Merveilles ».

Peut-on écrire « légalement » sur ce mur ? La meilleure réponse est celle que donne le Walled-Off Hotel voisin. « Ce n’est pas ‘pas légal’, car le mur lui-même n’est pas légal en vertu des lois internationales ».
Ce mur est, d’un point de vue historique, passionnant. On pourrait littéralement plonger pendant des heures dans le décryptage des inscriptions, l’analyse des oeuvres et des caricatures qui y figurent. Mais je tiens aussi à vous emmener dans un lieu qui jouxte ce mur de séparation : le Walled-Off Hotel.
Le Walled Off Hotel, l’hôtel de Bethléem financé par Banksy
Le Walled Off Hotel a ouvert ses portes aux premiers clients en mars 2017. Un hôtel installé à Bethléem, littéralement face au mur de séparation entre Israël et territoires palestiniens. Le célèbre artiste urbain Banksy l’a décoré et financé, assurant qu’il offrait « la pire vue au monde depuis un hôtel ».
Le Walled Off Hotel de Banksy, hôtel engagé
C’est un petit établissement de 9 chambres, situé à 500 mètres d’un checkpoint permettant d’entrer dans Jérusalem. Il a – parmi ses mille particularités – la spécificité d’accueillir aussi bien des dortoirs avec des lits à petit prix qu’une suite présidentielle grand luxe qui n’a rien à envier au faste dont bénéficie « un chef d’Etat corrompu », comme aime à le rappeler le site de l’hôtel.
Le nom de l’établissement vise sans doute à créer un parallèle ironique avec la marque d’hôtellerie de luxe « Waldorf » (Astoria), appartenant au groupe Hilton. Et si mon incursion en Palestine m’a appris une chose, c’est que les Palestiniens ont beaucoup d’humour, un humour souvent grinçant pour affronter la situation politique. Il va de soi que Banksy s’en est inspiré. Une référence qui ne fait pas oublier que « Walled-Off » signifie surtout « entouré de murs » ou, plus violemment, « emmuré ».
Un double sens qui rappelle que l’hôtel est à la fois un lieu touristique ouvert aux visiteurs du monde entier (il se dit même ouvert aux Israéliens qui souhaiteraient franchir le mur de séparation)… et un message politique vivant.

L’hôtel possède d’ailleurs une boutique, baptisée « Wall Mart » (une référence à la chaîne de magasins américaine « Walmart », le « Wall » désignant le « Mur »). On peut y acheter toutes sortes de matériaux pour aller décorer le mur de séparation, louer des échelles, ils organisent également des ateliers d’art pour les locaux. Vous pouvez consulter les horaires de la boutique ici.
On trouve également sur place une galerie d’art qui expose des oeuvres d’artistes palestiniens afin de leur donner de la visibilité, et une librairie rassemblant de nombreux ouvrages évoquant le mur (les résidents du coin peuvent les emprunter).
Si vous allez à Bethléem pour la journée, sachez que vous pouvez sans problème entrer dans l’hôtel, visiter le musée et la galerie d’art ou encore boire un verre au piano bar.
Vous serez accueilli par un singe, que l’on retrouve dans de nombreuses oeuvres de Banksy… et vous pénétrerez dans le piano bar. Banksy, et d’autres artistes, ont décoré les lieux avec des fresques engagées, des matériaux qui ont du sens… Ce piano bar en fait partie. Il prend son inspiration dans une thématique colonialiste, héritage de l’époque où les britanniques ont pris le contrôle de la région, en 1917.

Au mur, des caméras de surveillance vous scrutent, des anges portent des masques à oxygène, des oeuvres montrent des enfants faisant de la balançoire autour d’un mirador et sur une étagère, deux poissons rouges se contemplent, chacun dans son bocal, séparés l’un de l’autre par leur double cloison de verre.

Un enfant détruit le mur de béton pour y dessiner un coeur…

Les symboliques sont fortes. Les clés des chambres sont accrochées à des panneaux de béton reproduisant ceux du mur, un chat s’efforce d’attraper une colombe de la paix enfermée dans une cage… mais l’attraction de la pièce est le piano, qui joue tout seul. Lors de l’inauguration de l’hôtel, Elton John a donné un concert « à distance » dont les notes étaient retranscrites sur le piano…

Le musée du Walled-Off Hotel
J’ai failli passer à côté de ce musée, très discret, n’abritant que quelques petites pièces accessibles depuis le bar du Walled-Off Hotel. Il raconte le mur de séparation et la vie en Palestine depuis le prisme palestinien.
Comme je le disais dans mon article sur Bethléem, il faut bien sûr visiter ce genre de lieu en prenant un certain recul critique. Et c’est vrai pour chacun des acteurs de ce conflit israélo-palestinien, d’ailleurs. Bien sûr, selon la personne avec qui vous discutez, vous aurez des visions différentes, des mots différents. Les uns parlent de West Bank, les autres de Cisjordanie tandis qu’ailleurs, on dira Palestine, territoires occupés, territoires palestiniens, territoires annexés, Judée et Samarie…
Chacun, selon sa sensibilité politique, ses convictions, ses connaissances, aura un avis à donner. Il y aura forcément l’un des camps qui sera l’oppresseur et l’autre, l’opprimé. Mais il faut aussi garder en tête que dans tout conflit de ce genre, il existe une conscience accrue de l’impact de la « propagande ».
La venue de touristes étrangers constitue indubitablement, pour chaque camp, une opportunité de diffuser son message… un message dans lequel il y a une part de vérité, mais aussi une part de stratégie.

J’ai choisi ici de vous retranscrire ce qui figure dans le musée à travers des citations. Les panneaux explicatifs sont disponibles sur place en anglais et en arabe, je vous en propose donc une traduction afin que vous vous fassiez votre propre opinion.
Le musée revient d’abord sur la construction du mur de séparation, précisant qu’il se situe « à 85% sur le territoire palestinien ».
« Le mur a été proposé comme une réponse temporaire à l’escalade de la violence pendant le soulèvement de 2000-2005 contre l’occupation. Cependant, la planification du mur avait débuté en 1992 après un précédent soulèvement largement pacifique entre 1988 et 1993. […]
Le mur est à la fois une présence physique et une série de régulations, de recommandations et de papiers administratifs qui déterminent où les Palestiniens peuvent vivre, travailler et se déplacer ». (musée du Walled-Off Hotel, Bethléem)
Des citations côtoient des panneaux que l’on trouve aux abords des checkpoints entre Israël et la Cisjordanie, qui incitent les gens à préparer leurs documents d’identité quand ils arrivent à un point de contrôle.
« Nous réfléchissons mille fois avant de construire quelque chose, de partir en vacances, d’étudier, de travailler, de faire du commerce ou des plantations. Ce n’est pas par paresse, ou par incompétence. C’est par inquiétude quant aux obstacles, au harcèlement et aux attaques menées par les militaires ou par les colons israéliens. C’est comme si nous vivions dans une grande prison, avec des murs invisibles, conséquence des restrictions qui nous sont imposées » (citation de Lana, de Ramallah)
Le musée montre des photos du « mur urbain » (fait de béton) et du « mur rural » (fait de barbelés), dont je vous parlais précédemment. Si vous n’avez pas l’occasion de conduire en Palestine comme je l’ai fait, ça vous permettra de voir à quoi ça ressemble.

On doit ensuite passer un checkpoint symbolique pour accéder à la salle suivante. On vous explique que les routes, en Cisjordanie, ne sont pas des « terrains neutres ».
« Le système routier fait l’objet d’une ségrégation. Les « rocades » peuvent seulement être empruntées par des véhicules portant des plaques d’immatriculation israélienne. Les bus officiels séparés ont disparu en 2015, évitant ainsi des comparaisons provocatrices avec des régimes racistes dans l’histoire.
A la place, les bus partent maintenant de stations distinctes, passant par des checkpoints strictement réservés aux israéliens et desservant des colonies strictement israéliennes. Les panneaux routiers marquant l’existence de villes et de villages palestiniens sont bannis dans la majeure partie de la West Bank. Seules les colonies israéliennes y sont mentionnées ». (musée du Walled-Off Hotel, Bethléem)
Le musée commence alors à vous décrire, à travers des témoignages de Palestiniens, à quoi ressemble le quotidien quand on vit de l’autre côté du mur.
« Je me lève à 3h30 du matin pour me préparer à aller travailler en Israël. Je pars avec d’autres hommes jusqu’à la barrière qui sépare mon village de la route vers Jérusalem. Nous nous cachons dans les oliviers jusqu’à ce que les camions de l’armée soient partis. L’un d’entre nous propose de sauter le premier par-dessus la barrière, puis les autres suivent. Nous courons.
Le propriétaire du chantier ne nous paie pas beaucoup parce que nous n’avons pas de permis de travail et qu’il sait que nous n’avons pas le choix. Mais j’économise pour acheter une maison, pour me marier et pour m’installer. J’ai un diplôme d’ingénieur.
Même avec un permis, il faut y aller à 3h du matin et faire la queue pendant des heures au terminal pour arriver sur place à 8h. Vous risquez de ne pas pouvoir passer et de perdre votre boulot. C’est un travail humiliant et solitaire, parce que nous partons avant l’aube et rentrons la nuit. Nous ne voyons personne, nous ne rendons visite à personne » (un travailleur âgé de 30 ans, issu du village de Dar Salah)
D’autres panneaux expliquent la difficulté à se lancer dans l’agriculture (notamment l’exploitation des oliviers, très présents dans la région) en raison des décisions militaires qui rendent parfois la détention d’un permis de travail indispensable pour accéder à ses propres terres.
Une affiche « Making The Desert Bloom » (un slogan qui signifie « Faites fleurir le désert »), émise par le Fonds National Juif, est présentée. Elle date des années 40. Le musée explique :
« Des affiches comme celle-ci encourageaient l’immigration juive dans les années 1950, en suggérant qu’il n’y avait ici que du « désert » avant la création de l’Etat d’Israël. Ce faisant, des aspects préexistants de la culture palestinienne ont été présentés comme des produits et des symboles nationaux « israéliens ». L’orange de Jaffa, cultivée par des générations de fermiers palestiniens, en est un exemple ».
Le musée du Walled-Off Hotel décrit aussi les colonies israéliennes que vous verrez beaucoup en allant en Cisjordanie, car elles sont lourdement protégées.
« Les colonies sont des immeubles et des maisons construits par le gouvernement israélien et par des entreprises privées sur le sol palestinien. Il y a 547 000 colons, répartis dans 137 colonies et 100 avant-postes dans la West Bank, ce qui inclut Jérusalem Est. Le mur a été détourné pour qu’il vienne entourer bon nombre de ces colonies, tandis que d’autres possèdent leurs propres murs et leurs propres infrastructures de sécurité ».

Des témoignages soulignent les relations conflictuelles entre Palestiniens et « colons israéliens ». J’en ai noté deux.
« Nous étions en train de nager dans une piscine naturelle près de notre village, quand des centaines de colons sont arrivés. Un officier de la police aux frontières m’a ordonné de sortir de l’eau rapidement. Au début, j’ai refusé, je lui ai dit que je voulais rester dans la piscine et que j’avais le droit d’être là. Je lui ai dit que ça ne me posait aucun problème que les colons viennent nager avec moi.
Il a menacé d’employer la force si je ne sortais pas de l’eau rapidement, alors mes amis et moi n’avons pas eu d’autre choix que de sortir. Les soldats ont ordonné aux Palestiniens qui se trouvaient autour de la piscine de reculer vers le bout du parc, d’y rester et de ne pas approcher les colons » (Muhammad, 20 ans, originaire de Yatta, Hébron)
Et voici l’autre témoignage :
« Je possède une boutique dans le quartier du marché à Hébron. Des colons vivent juste au-dessus de la rue du marché. Ils lancent sans arrêt des saletés, des pierres et de l’eau sale sur nous, nos boutiques et nos clients.
En 2001, nous sommes allés voir la municipalité afin de trouver une solution à ce problème. Une simple barrière a été placée au-dessus des boutiques le long du marché, un mètre sous les fenêtres des maisons des colons. Mais ils n’ont pas arrêté pour autant de jeter des pierres et des eaux usées. 15 ans plus tard, [la barrière] s’effondre sous le poids des saletés qui s’y entassent. Nous avons demandé au maire de la rénover mais les colons ont renforcé leur harcèlement et ont fait en sorte de retirer la barrière la nuit » (Aref, 42 ans, Hébron)
Une maquette montre des véhicules présentés comme d’autres moyens de répression des éventuelles révoltes palestiniennes, par exemple :
- Le « skunk truck » (le « camion putois ») qui envoie un liquide puant via des canons à eau. Le témoignage d’une habitante de Bethléem affirme que sa maison a ainsi subi les assauts de ce type de canon : « L’odeur rendait malade à donner des hauts-le-coeur. Nous n’avons pas pu entrer dans la maison pendant un mois. Nous avons tout essayé pour faire partir l’odeur. Nous avons dû jeter du mobilier tant elle s’y était imprégnée. 2 ans plus tard, l’odeur d’égouts est toujours là ».
- Un mini canon lanceur de pierres, capable de lancer 600 pierres par minute, un jet « mortel à moins de 12 mètres ». Le musée explique que le véhicule avait été présenté comme une solution innovante pour lutter contre les adolescents jetant des pierres à l’armée israélienne. Il a été retiré de la circulation quand un scandale a dévoilé à l’international que le fabricant du véhicule avait accepté d’en vendre au Darfour, alors en proie à un génocide.
- Un véhicule émettant un son strident au point d’en être douloureux.

On repère ensuite un téléphone dans le musée, que l’on peut décrocher pour écouter un message d’alerte. Un panneau explicatif présente un flyer en expliquant :
« L’armée israélienne lâche ces flyers dans les quartiers de Gaza, demandant aux résidents de quitter leurs maisons car ils vont les bombarder. Ils envoient aussi des avertissements par message et par téléphone au dernier moment. Parfois, ces avertissements sont vrais, parfois non.
L’armée pratique aussi la méthode du « toquer au plafond ». Ils balancent une bombe « d’avertissement » peu destructrice sur une maison familiale, ce qui donne à la famille 5 à 15 minutes pour partir avant qu’ils ne balancent une bombe beaucoup plus puissante qui détruit la maison. L’armée affirme que ça permet de satisfaire à ses obligations humanitaires envers les civils en tant de guerre. Les Nations-Unies rejettent cette affirmation ».
On découvre des objets saisis à Gaza car ils font partie d’une « liste noire » établie par Israël. Le musée du Walled-Off Hotel en liste quelques-uns et cherche visiblement à souligner l’absurdité des mesures, car le « papier et les stylos » côtoient les « pièces détachées pour tracteurs, les ânes, les chèvres et les vaches ». Le musée ajoute qu’en 2010, suite à des pressions internationales, « Israël a autorisé l’importation de boissons gazeuses, de confiture, de mousse à raser, d’épices, de chips, de biscuits et de bonbons », laissant ainsi entendre que ces produits étaient auparavant bannis à Gaza.
La dernière pièce retrace l’histoire plus récente du mur (jusqu’à l’année où le Walled-Off Hotel a ouvert ses portes), avec un petit aperçu des protestations qui s’élèvent contre ce mur et ce qu’il symbolise.

Petit musée, donc, mais qui, comme vous pouvez le voir, a une fonction importante : se faire le porte-parole d’une « vision palestinienne du conflit » destinée principalement aux étrangers de passage ici, à Bethléem. C’est pour cette raison que je tenais à vous en parler un peu plus longuement qu’en quelques lignes dans mon article sur Bethléem… car en tant qu’occidental, c’est une parole à laquelle on a assez peu accès à moins de faire des recherches.
Aller au Walled-Off Hotel
Vous pouvez choisir de séjourner au Walled-Off Hotel (consulter les tarifs ici et découvrir la décoration des chambres ici).
L’hôtel jouit d’une excellente réputation, le personnel – 100% palestinien – parle anglais et arabe.
Pour savoir comment aller à Bethléem, sachez qu’il existe des bus, vous pouvez également y aller en taxi (souvent plus simple quand on ne connaît pas le coin). Je vous détaille tout ça dans mon article sur Bethléem.
Vous pouvez aussi passer par une visite guidée, celle-ci par Abraham Tours au départ de Jérusalem inclut un détour par le Walled-Off Hotel et le mur de séparation. Elle existe aussi au départ de Tel Aviv.
Je vous conseille en tout cas de vivre cette expérience forte, que ce soit comme client ou comme « visiteur de passage » le temps d’un verre ou d’un repas au Walled-Off Hotel, un moyen d’avoir une vision plus complète de cette région du monde.
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