En cette période de Toussaint, je vous emmène à la découverte du très apaisant cimetière de la Madeleine à Amiens, dans la Somme. Il fait partie des plus beaux cimetières de France, noyé dans la verdure, avec une partie ancienne où les mausolées semblent perdus parmi les arbres et la végétation…
Il est célèbre pour abriter la tombe de Jules Verne mais il y a bien d’autres endroits à y découvrir…
La tombe de Jules Verne, source d’intérêt pour les visiteurs
Souvent, ce qui attire les visiteurs de passage au cimetière de la Madeleine à Amiens n’est autre que la tombe de Jules Verne. Le célèbre auteur de romans d’aventure qui ont marqué bien des imaginations est en effet mort à Amiens, où il a vécu plus de 30 ans (sa maison a d’ailleurs été transformée en musée).
Le monument funéraire est classé aux monuments historiques : il a été réalisé par l’architecte amiénois Edmond Douillet, qui a construit au cours de sa carrière trois églises de la ville (Sacré-Cœur, Sainte-Jeanne d’Arc et Sainte-Marie-Madeleine d’Amiens)… et a été complété par une très belle sculpture d’Albert Roze représentant Jules Verne se dégageant de son linceul et sortant du tombeau. C’est lui aussi un Amiénois, qui a signé bon nombre de sculptures pour les églises de la ville.
La sculpture de Jules Verne, en marbre de Carrare et pierre calcaire de Bourgogne, a été conçue d’après son masque mortuaire, deux ans après son décès, et a été baptisée Vers l’immortalité et l’éternelle jeunesse.
Si vous allez sur place en hiver, sachez que depuis quelques années, la tombe est en partie bâchée entre novembre et mars afin de la protéger des intempéries, suite à une importante phase de restauration.
Si le monument est joli et l’auteur légendaire, il serait dommage de visiter le cimetière de la Madeleine juste pour la tombe de Jules Verne… car l’endroit mérite qu’on s’y attarde un peu.

Le cimetière de la Madeleine, cimetière romantique
A la fin du 18e siècle, avec l’expansion urbaine et la laïcisation croissante de la société, les cimetières commencent à se détacher des églises pour migrer en périphérie des villes. L’époque où l’on était enterré au pied de l’église de sa paroisse, en plein centre, disparaît peu à peu, aussi bien pour des raisons d’encombrement que pour des raisons d’hygiène.
C’est dans ce contexte que, partout en Europe, beaucoup de magnifiques cimetières voient le jour, comme les « Sept Magnifiques » en Angleterre (dont le cimetière victorien de Highgate). En France, le cimetière du Père Lachaise à Paris (construit en 1805) inaugure le goût pour les cimetières paysagers.

Le cimetière de la Madeleine à Amiens s’inscrit dans la même tendance : autour de 1785, on décide qu’il faut faire disparaître les 11 cimetières du centre-ville et les transférer dans un très grand cimetière hors des limites de la ville. Il existe justement un terrain disponible pour réaliser ce projet, celui de l’ancienne léproserie de la Madeleine, au nord-ouest de la ville.
Elle avait été fondée au 13e siècle et acquise par la ville en 1675. Il faudra attendre le printemps 1804 pour que les premiers arbres soient plantés, 1811 pour qu’une première inhumation ait lieu, 1814 pour la deuxième. C’est aussi en 1814 que l’on aménage enfin une route pour rejoindre plus facilement le cimetière. Celui-ci est « officiellement béni » en 1817… mais subira encore des travaux d’aménagement (création d’une chapelle, d’un logement pour un concierge, d’extensions en 1828 et 1872)…
L’endroit a été pensé non seulement comme un lieu de sépulture mais aussi comme un lieu de promenade, où l’on peut profiter d’une atmosphère sereine, marcher dans la nature… Le principe même d’un cimetière romantique paysager, qui donne aujourd’hui au lieu une atmosphère très particulière. On y trouve de nombreuses essences d’arbres : pins sylvestres, érables, frênes, tilleuls, ifs…

Assez vite, le cimetière s’enrichit de très beaux monuments, certains étant signés par les frères Duthoit, sculpteurs amiénois de renom qui ont passé une bonne partie de leur vie à restaurer les sculptures de la cathédrale d’Amiens et étaient des collaborateurs de Viollet-le-Duc. Ils reposent d’ailleurs aujourd’hui dans le cimetière de la Madeleine.
Que voir dans le cimetière de la Madeleine ?
Je vous conseille de déambuler parmi les allées les plus proches de l’entrée du cimetière, la partie droite étant pour ma part celle que j’ai préférée. On y plonge dans l’atmosphère typique d’un cimetière romantique : tombes noyées dans la végétation, présence de nombreux enclos funéraires, héritage d’une époque où l’on « clôturait les concessions » abritant plusieurs tombeaux.
Pourquoi ? Parce qu’il était interdit de superposer les corps à l’époque ! On rassemblait donc plusieurs tombes (entre 2 et une dizaine) côte à côte… ou en « couloir » (en enfilade). Le cimetière de la Madeleine abrite 364 enclos de ce type.
On peut voir ici l’enclos Leullier-Monchaux, qui abrite 4 tombes :
Et ici, celui de la famille Duflos :
Il existe dans le cimetière de la Madeleine 2111 concessions perpétuelles, qui ont toutes été classées aux monuments historiques. Un travail formidable a été fait pour répertorier toutes leurs particularités, ici pour les enclos et ici pour les monuments.
Je vous conseille d’observer tous les détails des monuments, vous retrouverez plein d’exemples intéressants et typiques d’art funéraire. Ici par exemple, on aperçoit deux chouettes qui encadrent le monument de la famille Cornet-Frémont.
La chouette, capable de voir dans l’obscurité, symbolise ainsi une forme de savoir transcendant les ténèbres. C’est un très vieux symbole funéraire, qui a été particulièrement repris au 19e siècle en raison d’un regain d’intérêt pour le patrimoine antique… et justement, ce monument funéraire d’Amiens date de 1851. On remarque aussi l’agneau sur la croix, référence biblique à « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ».
Ici, sur la tombe de la famille Paul-Barbier, on repère un ange pleureur… qui est en fait la copie d’une sculpture de Nicolas Blasset figurant dans la Cathédrale d’Amiens.
Autre exemple de symbole funéraire typique : la colonne brisée, signe d’une vie qui s’est arrêtée trop tôt. Ici, il s’agit d’un monument de 1892 à la mémoire d’enfants noyés lors d’un naufrage.
Le regard est happé par de superbes monuments, comme le tombeau de la famille Grimaux (les acheteurs de la concession étaient banquiers, ce qui explique en partie son caractère grandiose !).
On retrouve le symbole de la chouette mais aussi celui du « sablier ailé », très répandu dans les cimetières (sur la partie en métal, sous la croix). Il représente beaucoup de choses à la fois : le temps qui passe et – à travers les ailes – la possibilité de la vie éternelle, la brièveté de la vie terrestre…
Autre monument funéraire imposant : celui de la famille Petit. Frédéric Petit, l’acheteur initial de la concession en 1881, était conseiller municipal à Amiens. La construction était au départ surmontée d’une urne en bronze, mais celle-ci a été volée… un phénomène bien triste et irrespectueux que l’on constate d’ailleurs sur d’autres monuments funéraires du cimetière de la Madeleine.
Au cours de la visite, on croise aussi bien des oiseaux que des écureuils, preuve que la nature a pleinement sa place ici.
Le cimetière de la Madeleine d’Amiens abrite aussi plusieurs monuments en mémoire des victimes des guerres : citons notamment un carré militaire de la guerre de 1870, avec un monument aux morts propre aux soldats tombés lors de ce conflit ; et le « carré des croix noires », dédié aux victimes des bombardements aériens de la Seconde Guerre Mondiale, avec 250 croix noires…
Certains carrés sont aussi dédiés à des ordres religieux, comme ici celui des Ursulines :
On croise aussi, bien sûr, des monuments qui sortent un peu de l’ordinaire, comme cette stèle en mosaïque portant l’inscription « Prière de laisser les lieux propres ».
Et puis, derrière les tombes, on se souvient qu’il y a toujours une histoire. Au détour d’une allée, dans la partie plus récente du cimetière, les avalanches de fleurs signalent souvent la dernière demeure de ces enfants ou adolescents qui sont partis trop tôt…
Derrière des dates, des inscriptions, on devine des vies trop courtes comme ici, sur le monument que Sophie Damerval a acheté en 1873 pour son époux, François Lamolet, entrepreneur de monuments funèbres mort prématurément à 51 ans. Elle ne lui a survécu qu’une dizaine d’années, avant de mourir à son tour.
Il existe aussi pas mal de tombes de personnalités locales, un plan coloré est disponible sur une table d’orientation à l’entrée du cimetière pour aider les visiteurs à se repérer.
Il faut soulever le superbe travail de préservation du patrimoine réalisé par l’association Les Amis de la Madeleine, qui œuvre pour entretenir et restaurer les monuments, mais aussi pour faire connaître le cimetière.
Il existe aussi sur place une partie plus « traditionnelle », arborée, que vous pourrez aussi découvrir en allant sur place.
Comment visiter le cimetière de la Madeleine à Amiens ?
Le cimetière de la Madeleine se situe dans le quartier Saint-Maurice, à environ 3 km du centre-ville d’Amiens. Le voici sur un plan :
Vous pouvez y aller en voiture, à pied si vous aimez marcher mais aussi en bus (lignes 6 et 11B). L’adresse est le 480 rue Saint Maurice.
L’accès est gratuit, les horaires d’ouverture sont généralement 8h-18h30.
Vous pouvez vite y passer 1h ou 2 de visite ! En complément de cet article, vous pouvez aller lire mon guide pour préparer un week-end à Amiens. C’est une destination très agréable pour changer d’air pendant 2 ou 3 jours !
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