La prison de Kilmainham nous renvoie aux heures sombres de Dublin et fait aujourd’hui partie des visites incontournables à effectuer dans la capitale irlandaise. Transformée en musée, elle vous offre un voyage dans le temps vers une époque d’insurrection et de guerre civile.
A l’intérieur de Kilmainham Gaol, vous allez découvrir les cellules des prisonniers, les ailes sinistres du lieu dont l’aile la plus célèbre avec un atrium central, sa dimension historique mais aussi, sur une note plus légère, son architecture.
Je vous propose une visite de cette prison de Dublin, avec à la fin de l’article des informations pratiques si vous voulez y aller aussi lors de votre séjour en Irlande.
Conseils voyage
Comment est née Kilmainham Gaol ?
Pour plonger dans l’histoire de la Kilmainham Jail avant qu’elle ne soit ouverte aux touristes, nous allons effectuer un retour au 18e siècle.
Dublin, une ville florissante
A l’époque, la République d’Irlande n’existe pas, on parle du « royaume d’Irlande », sous contrôle britannique, dont Dublin est la capitale. Les Anglais ont mis en place des lois pour inciter fortement contraindre les Catholiques et Protestants à se rallier à l’Église d’Irlande. La majorité du pays étant Catholique, évidemment, les mesures ont du mal à passer… mais dans la capitale irlandaise, l’emprise britannique est vécue plus sereinement.
En effet, Dublin est assez largement dominée par un mouvement principal que l’on a appelé l’Ascendancy, un groupe plutôt privilégié qui regroupait des membres du clergé protestant, des propriétaires terriens fortunés, tous favorables à l’Église d’Irlande. Ces gens étaient souvent des descendants de colons britanniques.
Pendant plusieurs décennies, Dublin va ainsi grandir et prospérer dans une certaine tranquillité, avec une population de 60000 habitants au début du 18e siècle qui en fait la deuxième plus grande ville de l’Empire britannique après Londres.
Dans ce contexte de croissance, on décide de transformer la ville, comme Paris le fera plus tard à l’initiative du baron Haussmann. Il s’agit de l’assainir peu à peu, d’élargir les rues pour faire disparaître les étroites artères médiévales au profit de grandes avenues plus aérées et moins sales.
C’est par exemple à cette époque qu’est créée l’actuelle O’Connell Street, l’une des rues principales, ou que bon nombre de places voient le jour. On bâtit aussi le premier hôpital psychiatrique du pays grâce à l’argent légué par le Doyen de la Cathédrale Saint-Patrick – Jonathan Swift – qui en avait fait sa dernière volonté.
Forcément, une ville aussi prospère attire du monde… et beaucoup de gens tentent de se rapprocher de la capitale pour fuir les zones rurales où la vie leur semble plus difficile. Cela entraîne d’abord une hausse de la violence et des tensions, car Dublin a du mal à absorber l’afflux de population et tous ces arrivants se retrouvent entassés dans des quartiers excentrés où la vie est loin d’être plaisante.
Dans un second temps, cela conduit à une mutation religieuse, puisque les Catholiques deviennent majoritaires à Dublin à la fin du 18e siècle, comme dans le reste de l’Irlande. Quel rapport avec la prison de Kilmainham ? Vous allez le découvrir !
La prison de Kilmainham, moderne et innovante
Le contexte se fait un peu tendu à Dublin et c’est autour de 1786 que l’on fait le constat que Dublin ne possède pas de prison adaptée à ce qu’elle est devenue : une grande ville, qui n’est pas à l’abri de problèmes de sécurité.
Il n’y a qu’un donjon insalubre et vieillissant, les prisonniers de l’époque sont maltraités, beaucoup de cellules sont en sous-sol et la lumière du jour n’y perce presque pas, il n’y a aucune structure médicale, même élémentaire, pour offrir un minimum de soins et de mesures d’hygiène. En bref, cette vieille prison « fait tâche » dans une ville qui a entièrement repensé son architecture pour sortir de l’insalubrité.
Le Grand Jury de Dublin, impliqué dans les politiques de justice locales, décide donc qu’il faut construire une nouvelle prison, très moderne et en transformant complètement l’approche de l’emprisonnement : au lieu d’entasser les gens dans des cellules sombres et sales, on veut leur offrir une hygiène convenable, les occuper par le travail, les isoler chacun dans une cellule individuelle afin qu’ils puissent plus tard se réinsérer dans la société.
La construction de cette nouvelle prison, Kilmainham Gaol, commence rapidement sur Inchicore Road. Les premières pierres sont posées dès 1787 et le chantier coûte la modique somme de 22 000 livres sterling (oui, à l’époque, on parle en livres puisque l’Irlande est encore sous contrôle britannique). Le quartier choisi est en banlieue (contrairement à aujourd’hui où il semble être au cœur de Dublin) donc le cadre est verdoyant (je n’irais pas jusqu’à dire « agréable » mais vous voyez l’idée !).
Le mot « gaol », en anglais, qui se prononce « djèyl », est tout simplement l’orthographe ancienne du mot anglais actuel « jail » qui désigne une prison. « Kilmainham Gaol » signifie donc tout simplement « Kilmainham Jail », la prison de Kilmainham. En irlandais, elle s’appelle « Príosún Chill Mhaighneann ».
L’intérieur de la prison de Dublin, Kilmainham Gaol
L’intérieur de la prison de Kilmainham et l’aspect humide et décrépit de chaque aile nous paraissent aujourd’hui bien sinistres par rapport à ce projet initial d’en faire une prison moderne et respectueuse des droits des prisonniers !
Kilmainham, une prison de Dublin modèle
Initialement, la prison de Kilmainham se compose de bâtiments administratifs à l’entrée (où sont logés les surveillants pénitentiaires) puis d’une grande aile centrale, avec de part et d’autre des cours et des bâtiments contenant des cellules. Chaque cour a pour but de permettre aux prisonniers de bénéficier d’un peu de liberté de mouvement.
A l’extérieur de cet ensemble principal, on trouve d’autres cours où la prison peut autoriser des activités de plein air pour certains prisonniers. Le tout est entouré d’un haut mur, avec quatre tours aux quatre coins, permettant de surveiller les lieux.
La prison de Kilmainham se situe par ailleurs juste à côté du tribunal, lui aussi sur Inchicore Road. C’est d’ailleurs par là que débutent les visites du Kilmainham Gaol Museum, vous découvrez même la salle d’audience.
Ce tribunal a ouvert ses portes en 1820 et, comme la prison de Dublin, il remplaçait un tribunal hors d’âge. Chose étonnante, il est resté actif jusqu’en 2008 et n’est ouvert aux touristes que depuis 2016. Il permet de s’immerger dans ce que vivaient les prisonniers jugés ici avant d’être transférés en prison.
Lorsque la prison de Kilmainham était active, c’est là que le Grand Jury qui la gérait se réunissait.
A l’époque où la prison fonctionnait, on jugeait les plus petits crimes « au fil de l’eau » dans ce qu’on appelait des « Petty Sessions » (« petty » veut dire « insignifiant » en anglais, c’est dire si on donnait de la valeur à ces offenses !).
Quand un crime était particulièrement grave et nécessitait la présence d’un jury (comme aux Assises de notre justice actuelle), on organisait des sessions trimestrielles pour juger les accusés.
L’entrée de la prison, elle, était un peu plus loin sur la même rue. Celle que vous voyez aujourd’hui fait partie du bâtiment principal d’origine.
Elle représente une hydre, dragon à cinq têtes, chaque tête symbolisant un crime grave (le viol, le vol, la piraterie, la trahison et le meurtre). C’est à cet endroit que l’on accrochait les potences pour les pendaisons publiques mais la pratique s’est raréfiée au fil du temps.
La dernière pendaison publique a lieu en juillet 1865, quand on exécute le criminel Patrick Kilkenny, jugé coupable du meurtre de Margaret Waugh. On finit par créer une salle d’exécution en 1891, au premier étage de la prison.
Depuis le tribunal, on rejoint rapidement l’entrée du musée proprement dit, pour pénétrer dans la prison de Dublin.
La montée du nationalisme en Irlande
Au fil du temps, l’architecture de la prison doit évoluer… par la force des choses. Pour le comprendre, il faut replonger dans l’histoire. Quand Kilmainham Gaol est construite, c’est une époque où les Irlandais rejettent de plus en plus les lois qui discriminent les Catholiques. Certains, inspirés par un leader, Wolfe Tone, veulent établir une démocratie.
En d’autres termes, un désir d’indépendance commence à émerger dans le pays, le Parlement d’Irlande réclame plus d’autonomie à Westminster. En 1798, pendant quelques mois, une rébellion majeure a lieu contre le pouvoir britannique, faisant plusieurs dizaines de milliers de morts dans le pays.
Cet épisode d’insurrection est considéré par beaucoup comme un pas important dans l’histoire du nationalisme irlandais et dans celle de la République d’Irlande en tant que telle.
Pour mater la rébellion, les Britanniques décident tout simplement de faire « disparaître » le royaume d’Irlande. On crée une seule appellation, « Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande » (« United Kingdom of Great Britain and Ireland »), on décide que Dublin n’est plus capitale de rien du tout, qu’il n’y a plus de Parlement irlandais.
Plus d’Irlande, plus de problèmes. Hum. Vous vous doutez bien que ce serait un peu trop simple si l’on pouvait enfouir les problèmes de la sorte.
Que se passe-t-il alors ? Dublin s’écroule. En effet, la présence d’un Parlement et le statut de capitale contribuait beaucoup à la prospérité économique de la ville irlandaise. C’est un véritable effondrement : la ville s’appauvrit, se dégrade et à mesure qu’elle se dégrade, se rebelle.
Parmi les épisodes qui ont marqué son histoire durant la première moitié du 19e siècle, on peut citer…
- Une nouvelle tentative de rébellion en 1803 par Robert Emmet, qui a été pendu pour ça ;
- Une bataille par les Catholiques pour regagner un vrai statut de citoyens britanniques et lutter contre la discrimination dont ils font l’objet. Cet épisode, que l’on appelle « l’Émancipation », a été un succès grâce à l’implication sans relâche de Daniel O’Connell.
- En 1840, on met fin au règne des riches propriétaires (les fameux descendants de colons britanniques, en grande partie protestants, qui régentaient tout)… et l’on autorise TOUS les propriétaires de terres, même les Catholiques, à prendre part à la vie politique. Vous vous en doutez, quand on commence à donner la parole à des gens qui étaient auparavant exclus, cela peut bouleverser un pays et Daniel O’Connell est élu maire de Dublin.
Je ne peux pas faire ici un retour sur toute l’histoire du nationalisme irlandais mais je pense qu’à travers ces quelques anecdotes, vous comprenez que la période n’était pas très « calme » sur le plan politique et dans la société. Forcément, cela impacte vite le remplissage de la prison de Dublin, laquelle devient surpeuplée.
On compte jusqu’à 5 prisonniers par cellule (et vous verrez lors de la visite d’une aile que ces cellules ne sont pas immenses). Hommes, femmes et enfants (parfois très jeunes) s’y mélangent. Souvent, les hommes sont mieux traités que les femmes, ayant droit à un lit basique là où les femmes doivent dormir sur de la paille à même le sol.
Certaines prisonnières sont restées célèbres, comme Anne Devlin, qui a joué un rôle dans la rébellion aux côtés de Robert Emmet, et a été torturée.
Un agrandissement de Kilmainham Gaol vite dépassé
On agrandit la prison en construisant notamment 30 nouvelles cellules pour femmes (ce qui réduit la surface de cour disponible pour les activités à l’extérieur !). On voit déjà s’éloigner le projet principal de cette prison de Dublin, où l’objectif était d’avoir un seul prisonnier par cellule pour lui offrir de bonnes conditions de détention propices à sa réinsertion. Un épisode tragique de l’histoire va accélérer la décadence.
En 1844, la presse irlandaise commence à parler d’une mystérieuse maladie qui détruit toutes les récoltes de pommes de terre en Amérique. En 1845, on commence à voir apparaître la maladie en Europe, sans doute importée par bateau avec des récoltes contaminées.
Comme son nom l’indique, la pomme de terre pousse dans la terre (ne me remerciez pas pour ce moment de lucidité !). Par conséquent, il n’y a qu’au moment où on la cueille qu’on peut constater son état. Et lors de la cueillette de 1845, l’Irlande prend conscience que plus d’un tiers des pommes de terre sont malades et impropres à la consommation.
L’année suivante est encore pire, 3/4 des récoltes sont détruites par la maladie et l’on commence à enregistrer des décès car à l’époque, les familles rurales se nourrissent en grande partie de pommes de terre. Jusqu’en 1852, l’Irlande va littéralement être décimée par une horrible famine.
Certains parviennent à s’enfuir et émigrent à l’étranger, dans des conditions souvent terribles (vous pouvez visiter le bateau Jeanie Johnston à Dublin et le musée de l’émigration EPIC pour en apprendre plus sur le sujet). Beaucoup de gens meurent de faim. Et certains choisissent de commettre délibérément des délits mineurs pour être jetés en prison… car en prison, l’État vous nourrit.
La fréquentation de la prison de Kilmainham explose. On essaie de dissuader les gens de se faire emprisonner en limitant les rations alimentaires mais la mesure fonctionne mal.
A l’issue de la période de famine, on modifie l’architecture de la prison dans les années 1860. L’architecte John McCurdy repense une aile de la prison de Kilmainham, celle qui est aujourd’hui la plus connue, l’aile est.
Il la transforme en créant un atrium central à l’intérieur, depuis lequel les surveillants peuvent repérer en un coup d’œil les éventuelles activités suspectes de l’ensemble des cellules, 96 cellules qui se répartissent sur plusieurs étages ce qui donne une étonnante impression de grandeur, a fortiori quand on constate que le plafond de Kilmainham Gaol laisse largement passer la lumière naturelle.
Impression de liberté qui s’efface vite quand on regarde l’intérieur des cellules, comme celle-ci qui a été occupée par Grace Gifford, la femme du leader politique Joseph Plunkett dont je vais vous reparler.
Grace Gifford avait peint les murs à l’intérieur de la minuscule cellule, située au rez-de-chaussée de la prison, un art sans doute salutaire pour puiser un peu de liberté mentale. Une représentation d’une Madone a survécu :
L’insurrection de Pâques 1916 et les exécutions
Revenons à la grande famine qui a dévasté l’Irlande. Dans les années qui suivent, le calme ne revient pas pour autant dans la société irlandaise. Les rébellions en faveur de la création d’une république d’Irlande continuent (une tentative d’insurrection avortée à Tallaght, des assassinats à Phoenix Park, etc) et à chaque fois, les dirigeants de l’insurrection sont emprisonnés à Kilmainham Gaol.
L’année 1916 va marquer un tournant aussi historique que dramatique, avec ce que l’on a appelé « l’insurrection de Pâques » à Dublin. Un groupe de 1250 rebelles armés favorables à la naissance d’une république d’Irlande décide de prendre le contrôle de certains bâtiments marquants de la ville en annonçant la création de la République. Ces rebelles sont, pour certains, membres d’une milice dirigée par James Connolly (retenez son nom !).
Les Britanniques décident de mater l’insurrection par la force et le centre de Dublin est littéralement mis à feu et à sang par les combats, avec plusieurs centaines de civils tués et plusieurs milliers de blessés. Un chaos général règne dans la ville et sans surprise, certains en profitent pour organiser des pillages à grande échelle.
Cela dure une semaine… puis le leader du groupe rebelle dans son ensemble, Patrick Pearse, décide de se rendre car l’insurrection de Pâques a déjà fait beaucoup de victimes et est âprement critiquée pour de multiples raisons : certains critiquent parce que la période de Pâques est mal choisie, d’autres parce qu’ils ont des proches dans l’armée britannique, d’autres rejettent la violence du mouvement…
Les dirigeants rebelles sont arrêtés et emprisonnés. James Connolly sait quel sort les attend. Quand ils décident de se rendre aux autorités britanniques, il glisse aux autres prisonniers : « Ne vous inquiétez pas. Ceux d’entre nous qui ont signé la proclamation [d’indépendance] seront fusillés. Mais le reste d’entre vous sera libéré ».
Il a tragiquement raison. Jugés rapidement, pas moins de 16 dirigeants du mouvement sont condamnés à morts et exécutés dans un cour de la prison, dont Patrick Pearse, James Connolly, Joseph Plunkett (dont j’ai mentionné la femme) et d’autres. Certains, comme Con Colbert, sont très jeunes (27 ans) : le prisonnier confiera être « fier de mourir pour une telle cause ».
Je trouve ça très émouvant, quand on regarde cette époque avec le recul historique d’aujourd’hui, de se dire que ces gens ont donné leur vie pour quelque chose qu’ils savaient plus grand qu’eux, plus important qu’eux.
Patrick Pearse, 36 ans, fait partie des premiers exécutés, le 3 mai 1916, via un peloton d’exécution. Mais c’est la mort de James Connolly qui a probablement le plus marqué l’opinion. En effet, il a été grièvement blessé dans les affrontements liés à l’insurrection de Pâques, au point que les médecins ne lui donnent que quelques jours à vivre.
Le tribunal prononce quand même une sentence d’exécution. Connolly est si mal qu’il n’est pas capable de tenir debout pour rejoindre la cour où il doit mourir, c’est donc sur une civière qu’il est conduit devant le peloton d’exécution de Kilmainham Gaol. On doit l’attacher à une chaise pour qu’il tienne en place afin que les soldats lui tirent dessus (ils ne sont pas allés jusqu’à tirer sur un homme couché, mais c’était tout comme).
Cet épisode marque un tournant énorme dans l’opinion publique. Au départ, comme je vous l’ai dit, les gens étaient plutôt opposés à la rébellion… mais suite à la brutalité de ces mises à mort (qu’on exécute un homme déjà mourant !), la tendance commence peu à peu à changer et la situation se tend encore davantage jusqu’au début de la guerre d’indépendance en 1919, puis de la guerre civile en 1922.
Beaucoup de figures ont joué un rôle central dans la naissance de la République d’Irlande : Charles Stewart Parnell (considéré comme une figure clé du nationalisme irlandais), Henry Joy McCracken, Éamon de Valera (qui a a participé à l’Insurrection de Pâques 1916 et a été chef de l’opposition irlandaise suite à la guerre civile), Jeremiah O’Donovan Rossa, Thomas Francis Meagher, William Smith O’Brien…
Aujourd’hui, la visite de la prison de Kilmainham vous montre les lieux où se sont tenues les exécutions de 1916.
Le déclin de la prison de Kilmainham et l’ouverture comme musée
Après la guerre civile, Kilmainham Gaol est restée associée à un parfum de honte, symbole d’une justice violente et sans humanité où l’on exécute les opposants sans pitié. Plus personne ne voulait que ce lieu ne soit utilisé comme prison, même si ça a été brièvement envisagé.
La démolition du lieu étant trop coûteuse, on a abandonné l’idée de raser la prison et assez rapidement, dans les années 1930, un collectif a proposé de transformer la prison de Dublin en musée et d’organiser des circuits pour la montrer aux touristes. Le projet a mis du temps à voir le jour, entre les conflits en Irlande, la Seconde Guerre Mondiale et le constat que la prison était en très mauvais état.
Il a fallu un peu de recul historique, un peu de cadrage sur « la façon de raconter l’histoire » aussi (en insistant davantage sur la lutte pour l’indépendance et la liberté que sur la guerre civile). Ce sont en grande partie des bénévoles qui, à partir de 1960, ont travaillé pour nettoyer la prison et la remettre en état afin d’accueillir des touristes.
Le lieu a ouvert au public dès 1966 mais les travaux ont continué encore quelques années, se terminant par la rénovation complète de la chapelle de la prison (que vous pouvez visiter aujourd’hui) en 1971.
Aujourd’hui, après la visite guidée de la prison, on peut accéder à un petit musée qui raconte l’histoire du nationalisme en Irlande. Il met aussi en avant des aspects méconnus du fonctionnement de la prison, comme la grande innovation apportée par la photographie dans les années 1860, où l’on a enfin pu immortaliser le visage des condamnés afin de repérer plus facilement les récidivistes. Vous pouvez également voir de l’art créé par les prisonniers durant leur captivité.

Vous vous en doutez, avec son architecture unique, la prison de Kilmainham a servi de lieu de tournage à bon nombre de films, par exemple :
- Le Dénonciateur de Simon Langton avec Michael Caine (1986) ;
- Michael Collins, de Neil Jordan, avec Liam Neeson, Julia Roberts et Alan Rickman (1996), film qui évoque justement la lutte pour l’indépendance de l’Irlande ;
- Ultime Évasion de Rupert Wyatt, avec Brian Cox et Joseph Fiennes (2008) ;
- Paddington 2 (2017).
A ces films s’ajoute le clip « A Celebration » de U2, lui aussi tourné à « Chill Mhaighneann » en 1982, preuve que l’art a su s’inspirer d’un endroit peu commun…
Comment visiter la prison de Dublin ?
Billets et visite guidée
Kilmainham Gaol se visite exclusivement via des circuits organisés qui durent 1h. On ne peut pas se promener librement dans la prison. Vous pouvez ensuite visiter à votre guise la partie musée. La visite s’effectue à ce jour uniquement en anglais et en irlandais, il y a des flyers qui donnent quelques explications succinctes si vous ne parlez pas ces langues.
J’espère que vous aurez plus de chance que moi car si vous voulez mon avis, le guide que j’ai eu était d’un ennui profond. Je formule rarement ce genre de critique… car en général, je tombe plutôt sur des gens qui essaient de rendre l’histoire intéressante, avec des anecdotes, etc.
Ici, j’avais l’impression qu’il récitait une chronologie, sans forcément mettre beaucoup de contexte autour des lieux pour les non-Irlandais (je plaide coupable mais je n’avais pas en tête les détails du combat de l’Irlande pour son indépendance par cœur).
Le sujet est déjà « lourd » sur le plan historique : difficile de raconter cette prison sans entrer dans les arcanes d’un conflit complexe, aux multiples rebondissements… donc quand le guide ajoute de la lourdeur avec un récit peu vivant et peu captivant, c’est dommage !
Néanmoins et pour nuancer cet avis, l’architecture du monument rattrape largement cette impression car il faut reconnaître que ça reste inhabituel d’arpenter une aile de prison (et d’en ressortir les mains dans les poches !), a fortiori avec ce type d’atrium très lumineux.
Je vous conseille vivement de réserver un ticket à l’avance. Ce lieu étant prisé, il est souvent pris d’assaut. Les réservations de billets ouvrent en général 60 jours à l’avance.
Accès à la prison
La prison se situe à l’ouest de Dublin, non loin du parc créé à la mémoire de cette guerre irlandaise et au sud de Phoenix Park. Adresse : Inchicore Road, Kilmainham.
Par les transports en commun classiques, vous pouvez :
- Prendre le tramway ligne rouge et descendre à « Suir Road Luas Stop ». Il faut ensuite traverser la rivière et marcher une dizaine de minutes.
- Prendre le bus, avec plusieurs arrêts au choix : les lignes 69 et 79 s’arrêtent à « Inchicore Road », le plus proche de la prison. Il y a aussi les lignes 13 et 40, arrêt Inchicore Library, qui ne sont pas trop loin.
Autre option : réserver un billet pour un bus à arrêts multiples, la DoDublin Card.
C’est un pass, valable pendant 24 ou 48h selon la formule choisie, qui vous permet de profiter en illimité des bus à arrêts multiples DoDublin qui desservent tous les lieux sympa de la ville (musée de l’émigration EPIC et Jeanie Johnston, Little Museum, Trinity College, château de Dublin, les cathédrales de Christ Church et Saint-Patrick, la Guinness Storehouse, le zoo de Dublin, la distillerie Jameson… et bien sûr la prison de Kilmainham !).
Vous pouvez acheter votre pass en ligne ici.
Vous vous en serez douté en lisant l’article, les photos sont autorisées lors des visites de la prison de Kilmainham !
Pour conclure en vous donnant d’autres idées (peut-être pour un futur retour en Irlande !), sachez qu’il existe là-bas une autre prison qui se visite, sur Spike Island, une île accessible en ferry au départ de Cobh, au sud du pays. Fort Mitchel, c’est son nom, a accueilli jusqu’à 2300 prisonniers, ce qui en a fait la plus grande prison du monde. Vous pouvez retrouver des informations sur le lieu ici.
J’espère en tout cas que cet article vous donnera envie d’aller découvrir Kilmainham lors d’un futur voyage à Dublin !
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