Le musée Yves Saint Laurent à Paris : exposition au cœur de la maison de couture


La visite du musée Yves Saint Laurent à Paris vous plonge au cœur de la maison de couture du célèbre créateur de mode, disparu en 2008. Installé dans le lieu même où il imaginait ses collections, avenue Marceau, le musée est bien plus une plongée dans l’art et le génie de Saint Laurent qu’un simple retour sur son parcours et son histoire.

Dans cet article, je vous propose de découvrir l’exposition, photos à l’appui ! Que voit-on sur place ? Comment réserver un billet pour la visite et quels sont les horaires d’ouverture ?

5, avenue Marceau : une histoire de patrimoine

Le lieu qui abrite aujourd’hui le musée Yves Saint Laurent en France n’est autre que l’endroit où, en 1974, après 12 années passées rue Spontini, le créateur avait installé son atelier.

Si vous connaissez mal son histoire, je vous conseille la lecture du très beau livre de Farid Chenoune et Florence Muller publié chez La Martinière.

Quelques mots sur l’histoire d’Yves Saint Laurent

En quelques mots, « YSL » est né en Algérie, à Oran, en 1936. Chez lui, le dessin et la couture ont été comme une respiration, indispensable à sa survie dès son plus jeune âge. Lorsqu’il arrive à Paris, il est vite repéré par Christian Dior et effectue une ascension rapide au sein de sa maison de couture.

Le destin est parfois aussi ironique que tragique : quand Dior succombe brutalement à une crise cardiaque à l’âge de 52 ans, Saint Laurent est aussitôt pressenti pour le remplacer. Il a perdu son mentor, il se voit confier la lourde tâche de se substituer à lui. Il le fera avec talent et humilité, deux qualités qui le feront entrer dans la légende de la haute couture française.

Quelques années plus tard, il fonde sa propre maison de couture, s’entourant de son compagnon Pierre Bergé qui assure la gestion de l’entreprise. D’abord installés rue Spontini, où ils présentent en 1962 la première collection, ils déménageront ensuite pour s’établir au 5, avenue Marceau, où se trouve désormais le musée.

Si, aujourd’hui, l’expression « casser les codes » semble un peu galvaudée, c’est pourtant elle qui, à mes yeux, résume à merveille l’apport d’Yves Saint Laurent à la mode : il a su sortir de ce que l’on avait l’habitude de voir, piochant dans le vestiaire masculin pour habiller les femmes (tailleur-pantalon, smoking), puisant son inspiration dans d’autres formes d’art (comme avec la célèbre robe Mondrian) sans jamais se départir d’une volonté farouche de mettre en valeur le corps féminin.

J’ai eu la chance d’entrer dans la maison de couture de l’avenue Marceau avant qu’elle ne devienne un musée et, là-bas, on m’avait décrit « Un homme timide, très discret ». Cette humilité teintée d’incertitudes, le propre des grands… Ici, on ne parlait pas « d’Yves Saint Laurent » mais de « Monsieur Saint Laurent », une marque de respect parmi d’autres.

Yves Saint Laurent avenue Marceau
© Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent Paris. Guy Marineau

La fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent

En 2002, le créateur annonce qu’il met un terme à sa carrière et crée aussitôt une fondation ayant pour but assumé de préserver le patrimoine de la maison de couture.

Il s’agit d’assurer la conservation des documents ayant servi à la préparation des collections (dessins, « feuilles de bible », croquis) ainsi que des vêtements et accessoires eux-mêmes, mais aussi d’organiser des expositions (comme Les coulisses de la haute couture à Lyon, Betty Catroux – mannequin et muse du créateur – ou encore Yves Saint Laurent et le Maroc au Jardin Majorelle de Marrakech où, chaque année, il allait imaginer ses futures collections).

Très attaché au lieu, Yves Saint Laurent a continué à fréquenter l’avenue Marceau presque jusqu’à la fin de sa vie, où il était trop malade (cancer du cerveau) pour s’y rendre.

C’est après sa disparition, en 2008, puis celle de Pierre Bergé, en 2017, que les anciens ateliers ont été transformés en musée d’État pour présenter ce patrimoine au public dans de bonnes conditions à Paris, tandis qu’un musée similaire a ouvert en même temps à Marrakech.

Musée Yves Saint Laurent

Le musée YSL, ode au savoir-faire plus qu’à l’histoire

Aujourd’hui, on débute la visite dans les anciens salons, où, autrefois, on organisait des défilés privés pour les clientes haute couture. Toutes n’avaient pas la possibilité d’assister au défilé officiel, on pouvait donc leur offrir une présentation individuelle des collections.

Dans la maison, on savait parfaitement qui étaient les acheteuses des différentes créations et l’on cherchait à savoir à quelle occasion elles allaient être portées, afin d’écarter la crainte commune à toutes ces clientes de prestige : porter la même tenue qu’une autre.

Le décor aux moquettes épaisses et claires, avec ses murs blancs ornés de dorures, a été remplacé par la sobriété du noir, qui met en valeur les matières et les couleurs alors que l’on découvre des croquis issus des premières collections.

Musée Yves Saint Laurent

Cela donne le ton pour la suite : l’exposition est une vraie ode au savoir-faire, dans ce qu’il a de plus noble. Au fond, on s’attarde peu sur l’histoire d’Yves Saint Laurent, sur son talent, son regard singulier, sa biographie, il y a dans cette exposition beaucoup d’humilité, comme s’il y avait là-dedans quelque chose qui ne s’expliquait pas vraiment.

Ou plutôt, l’explication se révèle d’elle-même, quand on franchit une porte coulissante et que l’on se retrouve, dans la pénombre, face aux premières pièces. En voyant leur tombé, leur finesse, leur apparente sobriété parfois qui cache en réalité une incroyable précision et un souci du détail spectaculaire.

Musée Yves Saint Laurent, Paris

On comprend peu à peu que derrière la beauté se cache une connaissance intime de la matière : la torsion des fils, leurs propriétés, des éléments finalement très concrets que la vision du couturier transforme en œuvres d’art.

Le musée capture ces détails qui n’en sont pas et, à travers eux, on a justement l’impression d’approcher bien plus Yves Saint-Laurent qu’on ne l’aurait jamais fait avec une approche plus « biographique ».

La fondation possède un fonds de plusieurs milliers de créations (haute couture et prêt à porter) et plusieurs dizaines de milliers d’autres pièces (croquis, accessoires, échantillons, etc). Elles sont préservées dans des conditions optimales, dans des salles maintenues à température et hygrométrie constantes. C’est grâce à cette rigueur que les vêtements peuvent conserver la vivacité de leurs couleurs.

Les pièces exposées changent régulièrement car elles sont fragiles, cela permet aussi – de mon humble point de vue – de préserver leur caractère exceptionnel. Elles s’offrent aux regards, l’espace de quelques mois, le temps de faire rêver, d’inspirer, de fasciner… puis laissent place à d’autres.

Détail d'une pièce imaginée par Yves Saint Laurent

Une fois les créations du premier niveau admirées, on peut descendre au niveau inférieur et regarder des vidéos sous-titrées. Lors de ma propre visite, il s’agissait de nombreuses interviews réalisées auprès des plus grandes maisons de tissus, avec un contenu aussi instructif qu’intéressant.

A l’étage supérieur, un petit cinéma d’une dizaine de places permet de visionner un film très émouvant sur le lien entre Pierre Bergé et Yves Saint Laurent. Amour, respect, tendresse, difficile de décrire ces quelques minutes avec les mots justes, il s’en dégage beaucoup d’émotion et l’on comprend, aussi, qu’un créateur comme YSL portait aussi en lui une forme de souffrance, de sensibilité tellement « à vif » que cela devait être autant un cadeau qu’une malédiction.

En montant encore d’un niveau, on découvre une nouvelle salle d’exposition dont la pièce maîtresse, lors de ma visite, était la « mariée Shakespeare », une robe assemblant nombre d’étoffes précieuses et d’ornements, présentée lors de la collection automne-hiver 1980.

La mariée Shakespeare

Visiter le musée Yves Saint Laurent, c’est aussi découvrir le parcours fascinant d’une création depuis le croquis jusqu’à la réalisation « finale » présentée lors du défilé. Pas si finale que ça, en réalité, car les pièces de défilé restent des prototypes pour les futures commandes qui seront passées par des clientes et réalisées sur mesure après le défilé.

Robe YSL
Robe YSL

Les croquis que l’on découvre semblent souvent très simples, sans aucune indication, aucune couleur, quelques coups de crayon qui pourtant suffisent à raconter le tombé du futur vêtement, ses matières, ses particularités. Quand on les confronte à la création achevée, la ressemblance est saisissante.

Après ce travail préliminaire, des toiles étaient réalisées : des « prototypes du prototype », en quelque sorte. Le vêtement était conçu dans un tissu écru sobre, on essayait de varier les lourdeurs d’étoffe afin d’obtenir le même tombé que sur le vêtement final.

Ensuite, venait une nouvelle vague de croquis, cette fois-ci avec des indications sur les motifs, un morceau de tissu épinglé au croquis, le nom du chef d’atelier chargé de superviser la création du vêtement et le nom du mannequin qui le porterait lors du défilé. Chaque vêtement devait en effet correspondre aux mensurations mais aussi à la personnalité exprimée par le mannequin. Tous ces croquis annotés forment ce qu’on appelle « la Bible ». Elle abrite le secret d’une collection, dernière étape avant la réalisation des prototypes du défilé.

Bien sûr, tout ce processus n’était pas figé, il arrivait parfois que l’on échancre davantage un dos, que l’on modifie la conception des manches… mais en regardant n’importe quelle feuille de Bible puis le vêtement achevé, on réalise que l’essentiel est là dès les premiers instants.

Feuille de Bible - Musée Saint Laurent à Paris

C’est aussi, de mon point de vue, un très bel hommage à tous les métiers qui œuvrent autour d’un créateur de mode. Bien sûr, c’est lui qui est le plus dans la lumière… mais chaque maillon de la chaîne est en réalité précieux : les maisons qui fournissent les tissus, merveilles de finesse et d’expertise ; les personnes qui, au sein des ateliers, réalisent la vision du couturier ; les créateurs d’accessoires et bijoux (à l’instar de Loulou de la Falaise, mannequin devenue la joaillière favorite de Saint Laurent) ; les mannequins qui subliment le vêtement ; l’entourage qui crée le cadre propice à la créativité…

Bijoux dans le musée Saint Laurent de Paris

Le studio d’Yves Saint Laurent

Le studio de création a été laissé en l’état, comme il l’était du vivant d’Yves Saint Laurent. On y a juste rapporté les livres de sa bibliothèque personnelle, qui fait la part belle à l’art contemporain. Le studio est une longue pièce rectangulaire bordée de larges fenêtres, où l’on trouve, tout au fond, un mur entier recouvert d’un miroir. Vanité de l’artiste ? Pas du tout, le miroir était l’un des bras droits de ses créations.

Il regardait autant ses modèles en face qu’il les observait dans ce miroir, une manière de mieux cerner le tombé des robes, la fluidité et le mouvement des matières. Même lorsqu’il dessinait, il prenait toujours le temps de contempler ses dessins à travers cette deuxième perspective offerte par le miroir.

Le studio est blanc : une moquette moelleuse blanc cassé, des murs blancs, des rideaux blancs. Il ne s’agit pas là d’un blanc hospitalier froid et oppressant mais d’un blanc qui met d’autant mieux en avant tous les petits détails dont regorge le studio. On y trouve des tissus posés çà-et-là, matières colorées et brillantes.

Studio d'Yves Saint Laurent

Sur le bureau d’Yves Saint Laurent, on remarque aussi de petites figurines à l’effigie du lion (son signe astrologique) et du serpent, une référence à la maison du serpent (Dar el-Hanch), achetée avec Pierre Bergé dans la Médina de Marrakech. Il y a bien sûr des effigies de Moujik, son chien adoré ou plutôt, ses chiens adorés car il a eu plusieurs chiens similaires successivement prénommés Moujik. On découvre aussi un petit bouquet de blé et, plus loin, une brassée de blé sur une étagère, symboles de prospérité. Rassurante superstition…

Et puis, il y a cette blouse blanche posée, bien pliée, sur la chaise. Cette blouse que « Monsieur Saint Laurent » portait pour signifier que le rôle d’un grand couturier n’est pas seulement celui de l’artiste, du créateur mais aussi celui de l’artisan, impliqué dans la pratique autant que dans la création. A la voir posée là, non loin de ses lunettes, on s’attend presque à le voir entrer d’une minute à l’autre.

Derrière son bureau, au mur, les témoignages d’une carrière bien remplie. Des photos, dont celle de Françoise Giroud : Pierre Bergé dira d’elle plus tard « Pour moi, Françoise Giroud représentait exactement le style Saint Laurent : la femme active, qui a du pouvoir et qui agit ».

Studio d'Yves Saint Laurent

Des croquis, des références aux arts qui l’inspiraient tant, des essais de palettes de couleurs, une affiche « Love » : Yves Saint Laurent créait chaque année un visuel, mélange de dessin et de collages, qui lui servait ensuite de carte de vœux adressée à ses proches. Un rituel qu’il a respecté tous les ans à partir de 1970, sauf en 1978 et 1993.

J’ai retrouvé avec plaisir ce studio, visité quelques années auparavant, où l’atmosphère est restée inchangée et intemporelle, donnant l’impression qu’il vient d’être vidé de son effervescence il y a seulement quelques minutes.

Le musée a installé un système d’alarme très discret (si les visiteurs franchissent une certaine zone, une alarme se déclenche), sans barrière physique. J’ai beaucoup apprécié ce choix, qui permet justement de ne pas avoir le sentiment d’être dans un musée mais vraiment dans un lieu « qui vit ».

Comment visiter le musée Yves Saint Laurent

Le musée se situe au 5, avenue Marceau, dans le 16e arrondissement de Paris, à quelques minutes à pied de la station Alma-Marceau (métro ligne 9) et à 10 minutes de marche de l’Arc de Triomphe.

Bien qu’il comporte plusieurs niveaux, il est accessible aux personnes à mobilité réduite (ascenseurs, rampes, etc).

A l’heure où j’écris cet article, les horaires sont les suivants : ouvert du mardi au dimanche, de 11h à 18h, et le samedi jusqu’à 21h.

Pensez à vous couvrir un peu, en particulier si vous visitez le musée Saint Laurent de Paris en été. En effet, pour préserver les vêtements, ils sont maintenus à une température qui peut sembler fraîche quand il fait un temps magnifique dehors :)

Vous pouvez acheter des billets simples à l’avance (avec un créneau horaire défini, le billet étant valable 30 minutes maximum après ce créneau) ou réserver une visite guidée du musée Yves Saint Laurent.

La visite guidée dure 1h15 et s’effectue en-dehors des heures d’ouverture au grand public. Cela permet de profiter de l’exposition dans un cadre privilégié, tout en bénéficiant des explications d’un (ou d’une) guide passionné(e).

Notez que deux musées Yves Saint Laurent ont ouvert au même moment dans le monde : l’un en France, que je viens d’évoquer, l’autre à Marrakech, que j’ai brièvement mentionné. Il existe d’ailleurs une visite dédiée à Saint Laurent au Maroc : elle permet de découvrir ce qui avait séduit le créateur sur place, d’entrer dans le jardin Majorelle, de visiter le musée Yves Saint Laurent local et de profiter d’un authentique thé à la menthe.

Alors, que vous soyez en France ou au Maroc, si vous aimez découvrir ce patrimoine entre art et artisanat, le savoir-faire de belles maisons qui, chacune, visent l’excellence, je ne peux que vous conseiller la visite !


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