Le musée Grévin à Paris transforme régulièrement quelques personnalités choisies avec soin en statues de cire. A l’occasion de l’opération Paris Face Cachée, j’ai pu visiter cette année les Ateliers Grévin, où ces sculptures sont fabriquées.
L’occasion de rencontrer tous les artistes qui œuvrent à leur création : scan 3D, moulage, sculpture, implantation des cheveux et des poils, des yeux et des dents, maquillage, costumes, c’est un savoir-faire précieux, tissé de minutie et de passion.
Dans cet article, vous allez notamment découvrir comment le musée Grévin choisit les personnalités qu’il transforme en statues de cire et comment se déroulent les différentes phases de travail depuis l’idée jusqu’à l’inauguration de la statue.
Et pour vous raconter tout ça, j’ai choisi l’histoire – riche en anecdotes ! – de l’entrée de Michael Jackson au musée Grévin.
Il y a quelques années, j’ai en effet eu l’occasion d’interviewer la personne qui a supervisé la création de sa statue de cire, une femme aussi bienveillante que passionnée par son travail. Et vous parler de la statue de cire de Michael Jackson au musée Grévin, c’est vous raconter le travail colossal que mènent les sculpteurs, maquilleurs, perruquiers ou encore prothésistes pour donner vie à chaque personnalité.
Je suis très heureuse de pouvoir leur rendre, à ma petite échelle, un hommage !
Les photos portant l’adresse du blog ont été prises par moi-même. Sauf mention contraire, toutes les autres photos de l’article sont © Musée Grévin.

Devenir une statue de cire de Grévin, un destin qui se mérite
Le musée Grévin à Paris présente en permanence environ 200 statues de cire : des artistes, des personnalités politiques, des figures de l’histoire et de la littérature, des personnages fictifs, mis en scène dans des décors soignés.
C’est l’occasion d’explorer une certaine vision de la culture, de se prendre au jeu des photos souvenir insolites, de vivre une parenthèse loin du quotidien, d’admirer un savoir-faire ancien et même, en particulier pour les plus jeunes, de s’émerveiller devant ces personnages plus vrais que nature tout en croisant ses héros préférés !
Autrefois, aucune règle précise ne régissait la décision de créer une nouvelle statue de cire : des envies, des suggestions, des contacts fructueux marquaient bien souvent le début d’une collaboration.
Aujourd’hui, les choix sont faits de manière collégiale. Il est impossible de faire immortaliser le chien de tata Simone ou votre adorable belle-mère sans l’accord d’un petit comité de 11 personnes, l’Académie Grévin.
Fondée en 2001, l’Académie Grévin est un groupe de personnalités de tous horizons qui se réunit deux fois par an afin d’étudier les possibilités, s’appuyant à la fois sur l’actualité et sur les suggestions que le public transmet au musée.
Il est primordial de préserver l’esprit d’origine de Grévin : montrer en 3 dimensions les personnes dont il est question dans les médias.
L’Académie Grévin est présidée depuis 2014 par Stéphane Bern (succédant à Bernard Pivot) et regroupe beaucoup de personnalités « aux multiples casquettes » (journalistes, présentateurs, auteurs), régulièrement en contact avec les stars qui font l’actualité. On peut ainsi citer Nikos Aliagas, Henry-Jean Servat, William Leymergie, Laurent Boyer, Gérard Holtz, Eve Ruggieri, Daniela Lumbroso, Lionel Chouchan, Christine Orban et Jacques Pessis.
Une fois les personnalités choisies, les responsables du musée prennent contact avec elles. Parfois, c’est un peu compliqué… surtout quand il a fallu contacter Léonard de Vinci… mais vous imaginez bien que Grévin possède une excellente baguette magique capable de résoudre ce genre de petit souci !
Il est rare qu’une célébrité refuse d’être représentée au Musée et elle le fait souvent pour des raisons très légitimes : un manque de temps à consacrer au projet, une humilité qui la pousse à être mal à l’aise d’être ainsi représentée. Ségolène Royal ou encore Jean-Jacques Goldman auraient ainsi décliné la proposition.
Une fois l’accord de la personnalité obtenu, les artistes de Grévin commencent leur travail.
Je vous emmène à présent dans les coulisses d’une collaboration pas comme les autres !
Véronique Berecz, discrète chef d’orchestre
Paris, métro Grands Boulevards. Ce n’est pas tous les jours que l’on se lève en pensant que l’on va rencontrer quelques dizaines de stars dans la même journée… Pourtant, ma star du jour n’est ni Johnny Hallyday ni Ryan Gosling… mais Véronique Berecz, responsable des Relations Extérieures du musée Grévin.
C’est elle qui va me raconter l’histoire de la statue de Michael Jackson au musée Grévin, fruit d’une collaboration qu’elle a accompagnée de bout en bout.
Véronique est une « enfant de Grévin ». Entrée dans cette grande famille en 1983, elle a très vite pris en charge les relations extérieures du musée (relations avec la presse), dirigeant aussi la programmation du théâtre Grévin : inscrit à l’inventaire supplémentaires des Monuments historiques, il a accueilli des spectacles quotidiens et de nombreux artistes célèbres se sont succédé sur scène (Yves Lecoq, Anne Roumanoff, Pierre Desproges ou encore Laurent Ruquier) jusqu’en l’an 2000. Ce théâtre fait aujourd’hui partie intégrante de la visite du musée.
Véronique Berecz connaît mieux que quiconque les secrets de la maison, les coulisses de chaque collaboration, ce sont des pages d’anecdotes et d’histoire qui se tournent sous vos yeux lorsqu’elle prend la parole. Elle est de toutes les inaugurations, de tous les projets… et vous apercevrez souvent sa silhouette discrète, dans l’ombre de cette grande machine à fabriquer du rêve !
Comme ici, au centre, où elle accompagne l’athlète Martin Fourcade lors de la création de sa statue de cire au musée Grévin :

Avant-goût : la statue de Michael Jackson au Musée Grévin
Ce jour-là, j’arrive au musée Grévin avant l’ouverture au public et Véronique me conduit dans les méandres du musée vers la sculpture dont nous allons discuter : la statue de Michael Jackson. Dans une grande salle encore silencieuse, les visages connus et immobiles qui nous entourent ont de quoi impressionner.
La statue de Michael Jackson de l’époque a été réalisée avec sa validation créative. Elle a été remplacée en 2019 par une toute nouvelle sculpture, plus moderne, créée par le sculpteur Jean-Baptiste Seckler.

La statue de cire initiale est vêtue d’un jean noir avec une bande colorée sur le côté, porte des bottines de cuir noir avec un petit talon et une veste rouge à gros boutons dorés, cadeau de l’artiste au Musée Grévin.


Il est en effet de coutume que les personnalités représentées au musée fassent cadeau d’un vêtement ou d’un accessoire pour habiller leur statue. Michael Jackson avait, comme les autres, accepté la tradition et cédé cette veste rouge, portée en public lors d’une conférence de presse.
Véronique profite de l’occasion pour glisser une première anecdote: « Il nous a offert la veste pour habiller son personnage de cire. Regardez, si on soulève ce pan de la veste, il y a un trait de marqueur noir sur le tissu ».
Elle joint le geste à la parole et effectivement, un large coup de feutre s’étale sur le tissu rouge. « C’est un fan qui lui a donné ce coup de crayon dans la précipitation, pendant qu’il signait des autographes. J’ai dit à l’équipe de costumiers : ‘Surtout, ne lavez pas la veste ! C’est fait exprès !' »
Grévin respecte ainsi les pièces qui lui sont confiées et leur histoire. Elle fait partie, elle aussi, du voyage offert par le musée…

Le début de la collaboration avec le musée Grévin
Un peu plus tard, nous voici dans le bureau de Véronique, pour un retour vers le passé. L’occasion d’apprendre comment Grévin procède pour engager une collaboration avec une personnalité afin de créer sa statue de cire.
Véronique Berecz : « En mai 1995, Laurent Hopman et Julien Derain, qui travaillaient pour Captain Eo Productions, l’éditeur du magazine officiel de Michael Jackson, nous ont contactés pour nous suggérer de travailler sur le personnage de Michael Jackson à Grévin.
Ils nous ont transmis les coordonnées de Bob Jones qui était un peu « l’homme à tout faire » de Michael Jackson et avec qui ils étaient en contact. Nous nous sommes présentés, nous lui avons expliqué ce que nous voulions faire. Michael Jackson a rapidement donné son accord et c’est comme ça que nous avons commencé à travailler sur la statue ».
Cette première prise de contact avec l’artiste permet de valider le projet. Ensuite, le sculpteur se met au travail.
Prendre les mesures de la personnalité
Vous imaginez bien qu’il n’est pas possible pour une personnalité de « poser » durant des jours entiers pour la réalisation de sa statue de cire. Dans la mesure du possible, le musée Grévin organise des rendez-vous entre le sculpteur et la personnalité, notamment pour prendre des mesures…
Le premier rendez-vous physique
Quand c’est possible, les ateliers Grévin ont aujourd’hui recours à toutes les possibilités offertes par la technologie. L’artiste est photographié sous toutes les coutures, comme Zlatan Ibrahimovic sur ces images :

On prend également des mesures « à l’ancienne », pour étudier la hauteur du front par exemple :

Ou encore pour mesurer l’écartement entre les différentes parties du visage, afin que la statue de cire respecte au maximum les proportions de la personnalité telle qu’elle est réellement.

Les mesures sont ensuite reportées sur des fiches très précises.

Grévin s’est également doté d’un scan 3D… qui permet de modéliser le corps dans son ensemble pour faciliter ensuite le travail des sculpteurs.

Ce n’est pas forcément une étape évidente pour les personnalités ainsi représentées. En effet, il faut se mettre dans une tenue souvent assez « légère », être scruté sous toutes les coutures… et ces premières étapes de travail font ressortir tous les défauts que nous aimerions tous, célèbres ou anonymes, faire disparaître !
Quand un rendez-vous physique est impossible
Les agendas des personnalités sont souvent surchargés (c’est particulièrement le cas pour les figures politiques de premier plan et les stars internationales). Parfois, il est donc littéralement impossible pour elles de se déplacer à Grévin pour ce premier rendez-vous.
Il faut alors, pour les sculpteurs, travailler à partir de photos et de vidéos. Ils collectent un maximum de documents, de photos sous tous les angles, pour essayer de représenter au mieux l’artiste et de définir la pose qui lui correspondra le mieux.

La création de la statue de cire de Michael Jackson au musée Grévin a quant à elle été un mélange des deux ! Quand son équipe a engagé la collaboration avec Grévin, il était en pleine sortie d’album (un album intitulé HIStory) donc peu disponible.
Le travail a débuté à distance mais une rencontre s’est rapidement concrétisée. Passionné d’art, le chanteur a saisi l’opportunité de s’impliquer dans le processus créatif.
Véronique Berecz : « Dans un premier temps, nous avons travaillé à partir de photos. Notre sculpteur, Denis Lonchampt, a réalisé un modelage de la tête en glaise. Par la suite, nous avons fixé un rendez-vous à Michael Jackson dans un hôtel de Los Angeles, l’hôtel Universal.
Au départ, le rendez-vous devait avoir lieu à New York mais finalement, il a été déplacé à Los Angeles. A l’époque, Michael Jackson tournait un clip là-bas pour la chanson « Stranger In Moscow ». Bien qu’il vive près de Los Angeles, c’était plus pratique pour lui de rester à l’hôtel que de rentrer chez lui chaque soir (note : le ranch Neverland, où logeait l’artiste à l’époque, est situé à plus de 2h30 de route du cœur de Los Angeles).
Nous sommes partis à trois : moi, Denis Lonchampt et Laurent Teboul, le décorateur, qui allait s’occuper de la mise en espace de la statue. Nous avions emmené avec nous la tête en glaise qui était déjà sculptée ».
Evidemment, une question me brûle aussitôt les lèvres : comment assure-t-on le transport de créations aussi fragiles ?
Véronique Berecz : « Le passage à la douane était un épisode assez amusant ! Je me souviens de cette grande américaine, une belle femme, soignée… Quand elle a ouvert le sac, elle a affiché un air moitié surpris, moitié horrifié en voyant la tête de Michael Jackson. Nous lui avons expliqué le but de notre visite et ça l’a beaucoup amusée.
Nous avions recouvert la tête de tissu humide pour ne pas que la terre glaise sèche et nous l’avions mise dans un grand sac de sport bien rembourré pour qu’elle ne s’abîme pas ».
Les premières sculptures
A l’époque où la statue de Michael Jackson a été créée, les premiers modelages faisaient intervenir la terre glaise. Aujourd’hui, les sculpteurs lui préfèrent un autre matériau, la Plastiline. Elle est déposée sur une forme assez grossière imprimée en 3D, permettant au sculpteur d’avoir une « base » pour travailler.
La Plastiline ressemble à de la pâte à modeler et a l’énorme avantage de ne pas sécher ni durcir.

Dans le cas de Michael Jackson, on travaillait encore avec de la glaise et comme il s’agissait d’un premier rendez-vous « physique », l’objectif était de vérifier que les mesures étaient conformes à la réalité et de faire des ajustements si nécessaires.
Petit problème : le jour du rendez-vous, tout ne se passe pas comme prévu !
Véronique Berecz : « Nous ne logions pas dans le même hôtel que Michael Jackson mais dans un petit hôtel charmant au cœur de Los Angeles. Nous étions arrivés la veille du rendez-vous… et on a bien cru que la collaboration allait tourner au drame ! Le matin, nous avions commandé une voiture pour nous rendre à l’hôtel Universal.
Évidemment, nous étions déjà un peu stressés : on entend tellement de choses dans la presse au sujet de Michael Jackson, qu’on ne savait pas trop à quoi s’attendre. Et là, gros imprévu : la voiture n’arrive pas ! Cinq minutes s’écoulent, puis dix, puis quinze. Impossible de joindre Bob Jones, son responsable de communication, pour le prévenir que nous allons avoir du retard.
La voiture finit par arriver. Nous avons une demi-heure de retard… et nous ne savons pas du tout comment il va réagir. Nous avons peur qu’il annule purement et simplement, qu’on soit obligés de rentrer à Paris bredouilles.
Quand on est arrivés, Bob Jones nous attendait ainsi que Wayne, le chef de la sécurité. On est montés ensemble dans la suite de Michael Jackson. Quand on s’est retrouvés devant lui, Denis et Laurent se sont faits tout petits derrière moi et ils m’ont poussée vers lui pour que je lui parle la première. On avait vraiment entendu plein de choses sur Michael Jackson, qu’il ne fallait pas lui serrer la main parce qu’il avait la phobie des microbes et j’en passe… Au final, c’est lui qui est venu me serrer la main !
Évidemment, je me suis confondue en excuses pour notre retard mais j’ai découvert en lui un garçon adorable, vraiment charmant. Il m’a dit « Ne vous inquiétez pas pour le retard, j’avais réservé ma matinée entière pour vous. Vraiment, ce n’est pas grave, on a le temps ». Ensuite, nous avons commencé à nous installer. Denis avait apporté sa sellette et ses instruments (la sellette est le nom de la petite tablette sur laquelle on pose une sculpture). Pendant qu’il sortait son matériel, j’ai montré la brochure du musée à Michael Jackson pour qu’il voie les sculptures réalisées par Denis.
Il a posé beaucoup, beaucoup, beaucoup de questions, à la fois sur le musée mais aussi sur l’histoire de France… et particulièrement sur Marat dans sa baignoire ! Et puis, en feuilletant la brochure avec les sculptures, il a dit quelque chose en anglais: « Ça me fait penser à… » Impossible de comprendre ce qu’il disait, nous l’avons fait répéter… et au bout d’un certain temps, on a fini par comprendre : en fait, il comparait notre sculpteur, Denis Lonchampt, à Michel-Ange ! Nous avons tous éclaté de rire et Denis, évidemment, a été très flatté du compliment ».
Cette première rencontre à Los Angeles a notamment permis de prendre des mesures très précises, mais aussi de faire connaissance avec l’artiste dans un cadre privilégié.
Véronique Berecz : « La veille du rendez-vous, comme nous étions arrivés à Los Angeles un peu avant, nous avions visité les Universal Studios. Et dedans, il y avait une attraction autour du film « E.T. L’Extraterrestre » de Steven Spielberg (Note: cette attraction, intitulée « E.T. Adventure », a fermé ses portes en 2003).
C’était une attraction extraordinaire, on montait sur des vélos qui s’envolaient, exactement comme dans le film. J’avais trouvé ça fantastique et on en est venus à aborder le sujet avec Michael Jackson : il m’a dit que c’était son attraction préférée !
Le rendez-vous lui-même a duré environ trois heures. Pendant ce temps, Michael s’est mis à côté du modelage en glaise et il a posé. On a pris aussi des mesures très précises de son corps : son tour de poignet, de bras, de genoux…
Il est très attentif aux autres, il est grand… plus que sur les photos… Il est mince comme un haricot mais il est vraiment bel homme, c’est un beau garçon ».
La statue de cire prend corps : le rendez-vous de confrontation
Laissons de côté le « beau garçon »… dont le double de glaise, à ce stade, a encore bien du chemin à parcourir avant de mériter sa place au musée Grévin !
Un second rendez-vous est en effet organisé. On le surnomme le « rendez-vous de confrontation ». Le travail est déjà bien avancé… et c’est l’occasion de rectifier certaines erreurs, certaines proportions, de s’assurer que le double convient à la personnalité.
Voici comment les choses se sont déroulées dans le cas de Michael Jackson.
Véronique Berecz : « Nous sommes rentrés à Paris, le sculpteur a continué son travail… puis nous avons organisé un deuxième rendez-vous en Suisse, à Montreux. Michael Jackson travaillait sur un nouvel album et il était en studio d’enregistrement.
La rencontre a eu lieu dans un grand hôtel de la ville, situé au bord du lac Léman. (Note : il s’agit du Montreux Palace. Michael Jackson a séjourné deux semaines dans la Tower Suite de l’hôtel en janvier 1997).
J’étais juste avec Denis Lonchampt, le sculpteur. Le travail sur la statue était bien avancé, cette fois-ci il y avait non seulement la tête mais aussi le corps du personnage que Denis avait pu sculpter grâce aux mesures prises à Los Angeles.
C’est là que j’ai découvert le monde des fans : quand on est arrivés à son hôtel, il y avait plein de jeunes qui attendaient devant en espérant qu’il sorte ou qu’il leur fasse un signe. Il y avait même une famille de Hollandais : le père, la mère et leur enfant qui était habillé comme un « mini-Michael ». J’ai aussi découvert qu’il y avait différentes « catégories » de fans : ceux qui attendent dehors et ceux qui arrivent à rentrer dans l’hôtel.
On a présenté à Michael Jackson la statue… et il nous a demandé d’y apporter quelques modifications parce qu’il trouvait son corps trop baraqué ! Il nous a dit : « Oh, mais je ne suis pas si musclé ! » Je l’ai même vu torse nu puisqu’il a retiré son tee-shirt pour que le sculpteur puisse rectifier les proportions du corps. C’est un beau garçon ! »
Véronique Berecz affiche un sourire lumineux en se remémorant l’épisode. Au cours de cette seconde rencontre, le travail de modelage touchait à sa fin, l’occasion de rappeler que le sculpteur n’est pas seul à intervenir sur la création d’une statue de cire.
Dans l’atelier des mouleurs
Pour passer de la glaise à la cire, une autre équipe entre en scène et lors de ma visite des Ateliers Grévin, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Soline et Matthieu, qui exercent la profession de mouleurs.
Dans leur grand atelier, on n’est pas à l’abri de croiser des mains et des corps sans tête… et surtout, on apprend mille anecdotes sur la suite de l’aventure !


Dans l’atelier de moulage, on va donner corps aux sculptures. Les sculptures initiales sont enveloppées avec du plâtre et de l’élastomère pour créer un moule. Pour une tête seule, 15kg de plâtre sont nécessaires !
Ensuite, on place le moule de la tête dans une sorte d’étau… et l’on concocte un mélange secret entre de la cire d’abeille, livrée sous forme de poudre jaunâtre, et un durcisseur, qui va permettre une bonne tenue du mélange.
La cire d’abeille est alors chauffée à 85°C puis coulée dans le moule. On retire ensuite le trop-plein afin de laisser juste une pellicule de cire que l’on doit laisser sécher.
Le matériau a été choisi pour sa ressemblance avec la peau humaine (on peut y créer des pores, des aspérités) mais aussi pour sa grande durabilité : la cire ne se déforme pas dans le temps et ne se rétracte pas. En d’autres termes, pendant que nous, pauvres visiteurs, nous ratatinons avec les années, les célébrités de Grévin nous survivent ;)
Par ailleurs, la cire peut facilement être « refondue » si des ajustements sont nécessaires. Elle réagit aussi très bien à la lumière pour donner plus de naturel aux statues.
Elle a un autre avantage : elle peut être teintée… et lors de la création du mélange cire/durcisseur, les maquilleurs viennent y ajouter des pigments qui permettront à la cire de prendre une couleur aussi proche que possible de la vraie couleur de peau de la personnalité.
Ainsi, quand on « démoule » la chape, le visage apparaît et a déjà forme humaine !

Malgré tous ses atouts, Grévin a dû abandonner partiellement la cire en raison de sa fragilité aux chocs : les visiteurs du musée étant autorisés depuis 2001 à s’approcher au plus près des célébrités, beaucoup de gens les touchent et la cire est vulnérable au contact. Par conséquent, depuis 2001, on a progressivement remplacé les parties apparentes des sculptures (comme les mains) par de la résine, à l’exception du visage.
Seul le nageur Camille Lacourt, présenté en maillot de bain à Grévin, est entièrement en résine afin d’éviter une démarcation disgracieuse entre le visage et le reste du corps.
Pour ces parties « visibles », on travaille avec du silicone : on recouvre les mains de la personne de silicone et, en séchant, cela forme comme un gant un peu mou, qui se retire et dans lequel on peut couler la résine ! Avec, au passage, pour ces messieurs, une petite épilation gratuite quand on retire le gant de silicone !

Pour la nouvelle sculpture de Michael Jackson, c’est le sculpteur lui-même qui a dû prêter ses mains à l’exercice, Michael Jackson étant décédé entre temps…
Les corps, quant à eux, ont la particularité d’être creux et « démontables ». En plus de faciliter leur manipulation car ils sont ainsi plus légers, cela permet aussi de les habiller plus facilement.
Cette étape de moulage est primordiale et exige un certain temps de séchage.
Donner l’apparence de la vie à la statue de cire
A ce stade, la statue est déjà bien avancée… mais elle reste un peu fade et sans vie : il lui faut des yeux, des dents, des cheveux, des poils, des couleurs sur le visage et parfois des grains de beauté ! Bref, tout ce qui va lui permettre de réellement prendre vie.
Cheveux et poils
Lors de ma visite des Ateliers Grévin, j’ai pu échanger avec Estelle, perruquière depuis 4 générations ! Elle a appris le métier auprès de ses aînés, un apprentissage pas toujours facile quand on a 17 ans et que l’on découvre la patience colossale nécessaire pour concevoir « LA moustache parfaite » !
L’occasion, d’ailleurs, de préciser que beaucoup de gens aux Ateliers Grévin sont autodidactes ou ont des parcours très atypiques. Les sculpteurs ont souvent des ateliers en-dehors de Grévin, travaillant sur différents projets à la fois. Certains ont appris sur le tas, d’autres en faisant des écoles.
Ils forment une véritable petite famille et essaient de s’entraider. En effet, la création d’une statue de cire demande beaucoup de temps et il est parfois utile d’avoir un regard extérieur sur son travail pour prendre du recul.
Estelle travaille avec un mandrin d’horloger d’une finesse inouïe. Elle monte dessus une aiguille dont elle coupe le chas pour former un U, ce qui lui permet ensuite de saisir le cheveu pour venir l’implanter dans la cire.
Le plus dur : les cheveux crépus et courts, comme ceux de Killan Mbappé, où il faut presque tout implanter à la main ! Sur les cheveux plus longs, on peut réaliser un postiche avec du tulle, que l’on complète par une implantation de cheveux manuelle.
Les cheveux sont des cheveux naturels, collectés auprès de salons de coiffure. Idem pour les poils de barbe, les cils et les sourcils.

Selon la « pilosité capillaire » de la personne, cela peut représenter jusqu’à un demi-million de cheveux naturels à mettre en place, puis à coiffer. Le travail de perruquiers dont on ne peut qu’admirer l’infinie patience !
Les cheveux sont implantés plus longs que nécessaires, et on offre ensuite une petite coupe de cheveux à la personnalité !
En revanche, la plupart des corps n’ont aucune pilosité car la résine ne permet pas d’implanter des poils. Avec la cire, c’est plus simple puisqu’il suffit de la chauffer un peu sous une lampe pour qu’elle accueille le poil sans problème.
Seule exception : Franck Dubosc, qui a tenu à avoir ses poils !
Une autre exception, plus rigolote, concerne les perruques des personnages historiques : elles sont conçues en poil de yak et non en cheveux humains !
Yeux et dents
Les yeux particulièrement réalistes sont « greffés » sur la statue de cire par des prothésistes, qui travaillent aussi avec de « vrais patients » au quotidien (des gens qui, suite à des maladies, des malformations ou des accidents, ont besoin d’une prothèse oculaire).
Les yeux sont donc très réalistes et disponibles en une foule de teintes.

De même, les dents sont ajoutées par des prothésistes dentaires dans le cas où le personnage est représenté avec le sourire ou la bouche ouverte.
Allez, on montre ses quenottes pour la photo !

L’étape du maquillage
C’est elle qui va parachever le travail sur la sculpture elle-même, en donnant à la peau l’apparence de la vie. Les maquilleurs sont autant maquilleurs que peintres, d’ailleurs !
Ils travaillent à la peinture à l’huile… et pour vous donner une idée, Grévin utilise chaque année 100 kg de cire, 70 tubes de peinture à l’huile et 130 litres de laque et de gel pour prendre soin de son petit monde !
Le travail de peinture se fait à la main, et par projection pour reproduire la texture d’une peau humaine avec ses petites taches et ses imperfections.

L’habillage des statues
Comme je vous le racontais en début d’article, chaque personnalité offre en général à Grévin une tenue ou un accessoire pour habiller son personnage. Jean-Paul Gaultier a voulu concevoir lui-même son costume !
Les Ateliers Grévin abritent aussi des costumières de talent, j’ai pu croiser Sandra et Marion. Elles mènent un vrai travail créatif où aucune journée ne se ressemble.
Entre le costume d’un homme préhistorique, qui exige une documentation particulière, et le drapé de la robe de Marilyn Monroe, il y a un monde ! Et c’est sans parler de la combinaison d’astronaute de Thomas Pesquet !
Il y a donc, au-delà de la couture même, un véritable travail de recherche… et une technicité indéniable : car enfiler un vêtement à une statue de cire n’est pas tout à fait le même défi qu’habiller un être humain. Il faut trouver des astuces pour que le costume puisse avoir un tombé parfait sans risquer d’endommager la sculpture.
Le Musée Grévin crée aussi ses propres tissus, en utilisant par exemple la méthode de la sublimation, une technique d’impression très résistante qui a permis de créer une matière unique pour le costume de LadyBug. Vous pouvez voir l’effet nid d’abeille obtenu sur l’image ci-dessous.

Pour ces personnages de fiction, Grévin travaille directement avec les studios d’animation afin que la ressemblance soit maximale !
Un travail continuel
En moyenne, ce sont 15 personnes qui travaillent sur chaque personnage et le coût d’une statue de cire oscille entre 50000 et 60000 euros pièce.
Aujourd’hui, le musée est à l’étroit : son emplacement historique, au cœur de Paris, l’empêche de s’étendre autant qu’il le pourrait. Les ateliers Grévin ont donc été délocalisés dans le 13e arrondissement, c’est là que j’ai eu la chance de me rendre.
Sur place, au dernier étage du musée Grévin, on a juste conservé une équipe réduite qui réalise au quotidien les petites réparations et retouches nécessaires sur les personnages. Les statues de cire étant très accessibles pour les visiteurs, elles ne sont pas à l’abri des « ardeurs des fans » et ont parfois besoin d’un peu d’entretien !
Les personnages les plus populaires possèdent même plusieurs têtes interchangeables ! C’est d’ailleurs pour ça que vous avez pu en apercevoir quelques-unes dans mon article !
Quelques centaines de statues sont conservées, parfois en pièces détachées, dans les réserves du Musée Grévin, car ce dernier renouvelle régulièrement ses collections : faute de place, il est impossible de tout présenter au public… et le musée s’adapte aussi à l’actualité.
Il a d’ailleurs fait l’objet en 2019 d’une grande rénovation, à l’occasion de laquelle une trentaine de nouvelles statues de cire ont rejoint le musée.
Michael Jackson au musée Grévin : l’étape de présentation à la presse
Lorsqu’une statue s’achève, son histoire se compte déjà en centaines d’heures de travail. Il faut environ 150 heures pour faire le seul modelage de la tête !
Il est alors temps d’organiser l’inauguration de la statue en présence de la presse et, dans la mesure du possible, de l’artiste lui-même. L’émerveillement est toujours au rendez-vous et cette rencontre avec leur double de cire reste pour toutes les stars un moment mémorable. Par la suite, les statues font aussi d’autres heureux : les fans, qui peuvent ainsi vivre par procuration une rencontre avec leur idole.
Dans le cas de Michael Jackson au musée Grévin, les choses se sont précisées au printemps 1997, soit près de 2 ans après les premières « briques » du projet. Et lors de ce type d’inauguration, Grévin a une tradition que Véronique Berecz me confie :
Véronique Berecz : « En mars 1997, Bob Jones nous a téléphoné pour nous annoncer que Michael Jackson était disponible au mois d’avril.
Nous avons pour habitude d’organiser une petite surprise pour la personnalité qui vient inaugurer sa statue, en fonction de ce qu’elle apprécie. Pour Michael Jackson, nous avions appris qu’il admirait beaucoup le mime Marceau. Tous deux devaient monter un projet ensemble mais ça avait été annulé parce que Michael Jackson était tombé malade. Du coup, on a décidé de faire venir le mime Marceau. En plus, il avait un numéro de mime ayant pour thème la sculpture.
A l’époque, il était en tournée aux Etats-Unis et il revenait pile le matin de l’inauguration ! La chance a été de notre côté. Il a accepté de venir. On a envoyé une voiture pour le chercher à l’aéroport, c’était un monsieur d’un dynamisme exceptionnel pour son âge ! On s’attendait à ce qu’il soit épuisé par le voyage mais il s’est montré très bavard. Nous l’avons ramené à Grévin ».
Le jour de l’inauguration de la statue de Michael Jackson au musée Grévin, l’artiste a fait le déplacement… et ses fans également !

Véronique Berecz : « Nous avions fait bloquer les Grands Boulevards pour des raisons de sécurité et avions organisé tout le parcours de Michael Jackson jusqu’à son arrivée devant le musée. D’ailleurs, c’est amusant, il est arrivé dans une voiture immatriculée « BAD » (Note : titre d’un album de l’artiste).
Il est resté dehors un long moment pour que les gens puissent prendre des photos. Ensuite, il est entré dans le musée. Il était accompagné par son manager de l’époque, Tarak Ben Ammar, qui parlait français… Il y avait aussi les invités de Tarak Ben Ammar, les partenaires du Musée Grévin, les journalistes fidèles au musée, les équipes du musée, quelques personnalités dont Ophélie Winter, Anne Roumanoff et Guillaume Durand..
Quelques fans avaient été tirés au sort grâce à un jeu-concours organisé avec la FNAC ainsi qu’avec Captain Eo Productions. Ils ont pu assister à l’inauguration. Michael Jackson a visité le musée, son personnage de cire a été présenté sur scène… Il était très heureux de voir Marcel Marceau, il s’est montré très très souriant. Après l’inauguration, il a pris part au petit cocktail qui était organisé en son honneur. Tout ceci s’est déroulé un samedi midi, de 11h à 13h30. Le musée n’a été rouvert au public qu’après, vers 15h ».
A la sortie du chanteur, Véronique Berecz est témoin de l’adoration que le public présent lui porte, et partage quelques anecdotes amusantes :
Véronique Berecz : « Quand il est ressorti, il est resté très longtemps dehors. Il n’y avait pas vraiment d’hystérie, les gens étaient très attentifs et respectueux, ils l’interpellaient pour qu’il se tourne vers eux. J’ai même vu des CRS tendre leurs carnets de contraventions pour se faire signer des autographes !
Des parents étaient venus avec leur petite fille. Ils l’ont fait passer par-dessus les barrières pour qu’elle aille faire dédicacer une photo à Michael Jackson. Il a signé la photo sans aucun problème. Ensuite, des fans ont compris le stratagème et ont à leur tour donné des objets à la petite fille pour qu’elle aille les faire signer ! Elle est revenue plusieurs fois vers Michael Jackson et à chaque fois, il a donné les autographes demandés.
J’avoue qu’en voyant la manière dont il se comportait, j’ai beaucoup de mal à croire les histoires de pédophilie qui circulent… Quand j’ai eu vent de ces accusations, j’ai eu l’impression qu’il y avait un grand écart entre son image dans la presse et la réalité. J’ai été assez choquée d’entendre les accusations parce que j’ai vraiment gardé de lui l’image d’un garçon attendrissant ».
Sur cette vidéo de la sortie de Michael Jackson du musée Grévin, vous pouvez voir la scène de la petite fille et apercevoir Véronique elle-même, en rouge, qui raccompagne l’enfant jusqu’à ses parents :

Le musée Grévin s’efforce de maintenir d’excellentes relations avec les personnalités représentées, mais aussi avec leur public, ambassadeur de choix du musée !
Véronique Berecz : « Michael Jackson est revenu visiter le musée incognito une semaine plus tard en compagnie du prince Alwaleed et de ses enfants. Ensuite, a été organisée à Paris la « Nuit Michael Jackson » au Grand Rex. J’avais prêté des images de l’inauguration pour la soirée.
A un moment donné, à l’entracte, je me suis retrouvée entourée de plein de fans qui me demandaient des autographes parce que j’avais rencontré Michael Jackson ! Ça m’a fait un drôle d’effet… Au début, j’ai refusé parce que je n’avais pas l’impression de mériter tant d’honneurs. Et devant leur insistance, j’ai fini par accepter ! J’ai donc signé des autographes…
Nous avons aussi recontacté Michael Jackson en 1998. A l’époque, les 2Be3 faisaient leur entrée au musée Grévin et comme ils étaient fans de Michael Jackson, nous lui avons demandé s’il pouvait dédicacer trois photos pour eux… et il l’a fait ! »
Depuis cet entretien, plus de dix ans se sont écoulés. Michael Jackson n’est plus parmi nous, Véronique et moi-même avons sans nul doute quelques cheveux blancs supplémentaires… mais le savoir-faire du musée Grévin est resté intact.
Le lieu a été totalement repensé et modernisé en 2019 : ce n’est plus un musée que l’on visite de manière passive, en observant les décors… c’est un musée qui se vit, avec de nouvelles expériences immersives dont je vous reparlerai sûrement !
En attendant, je ne peux que vous conseiller d’aller visiter le musée Grévin lorsque vous en aurez l’opportunité (vous pouvez réserver un billet à l’avance ici). Il se situe au 10, boulevard Montmartre à Paris (métro Grands Boulevards sur les lignes 8 et 9 du métro).
Hello ! Je suis en congé maternité jusqu'à l'été 2023. Pendant cette période, les commentaires sont fermés.
Hello Marlène .J’aime beaucoup vos reportages et vos photos .Seul problème je ne suis pas sur Facebook et je rate certainement des infos, des photos, des reportages … Que faire ?
Bonjour Raymonde, merci pour le message ! Sur Facebook, je relaie simplement les articles publiés ici et je complète par d’autres contenus produits par d’autres personnes (par exemple, je partage des articles qui ont attiré mon attention chez d’autres blogueurs, de jolies photos ou vidéos faites par des photographes). Pour ce qui est de mes propres articles, je les annonce également dans une newsletter (mail envoyé deux fois par mois), il est possible de s’abonner sur cette page.