Aujourd’hui, je vous emmène dans un lieu aussi surprenant que fascinant à Budapest, en Hongrie : l’Hospital In The Rock (Sziklakorhaz en hongrois), un ancien hôpital souterrain que l’on peut aujourd’hui visiter.
L’occasion de découvrir un véritable dédale de salles chargées d’histoire, à deux pas du célèbre Bastion des Pêcheurs, lieu d’intérêt emblématique de Budapest.
Conseils voyage
L’Hospital In The Rock, un voyage au centre de la terre
L’histoire commence en surface. Quelques minutes de marche depuis le Bastion des Pêcheurs, un escalier… et une entrée en apparence anodine. Il fait ce jour-là une chaleur écrasante à Budapest mais là où nous partons, nous allons pénétrer dans un autre monde.

L’Hospital In The Rock n’est accessible que sur visite guidée et c’est dans un hall orné de flacons pharmaceutiques anciens et de médicaments vintage que nous attendons le début du parcours.

Il débute par un court film d’une dizaine de minutes. Si je dois être honnête, je m’attendais à une vidéo assez ennuyeuse comme on en rencontre parfois dans les lieux touristiques mais j’ai en réalité été agréablement surprise, car le film permet de donner immédiatement un peu de contexte à la visite.
Le lieu où nous allons entrer a d’abord été constitué de caves privées, avant d’abriter un vrai centre de gestion de crise et un hôpital pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Le taux de mortalité y était énorme car, pendant le siège de Budapest, il n’y avait pas toujours d’eau courante dans ces sous-sols. Pour s’en procurer, il fallait sortir à découvert, sous les coups de feu et les bombardements, et courir jusqu’aux abords de l’église Saint-Matthias, quitte à y laisser la vie. La nourriture manquait également, et les infections se développaient à vive allure.
Après la guerre, ces caves souterraines ont servi de lieu de fabrication de vaccins, d’abri anti-atomique et, à partir des années 50, ont été gérées par une famille qui a fait le choix insolite d’y élever ses enfants (vous comprendrez en visitant à quel point la décision surprend !). Ce jusqu’à aujourd’hui, où l’endroit est devenu un musée.

A l’issue de la vidéo, il est temps de passer – si nécessaire – par le vestiaire ! Un portant propose des manteaux aux visiteurs car en sous-sol, la température est stable autour de 16-17°C, un contraste radical avec la canicule qui règne à l’extérieur.
Notre guide nous accueille… en hongrois. Au bout de quelques phrases, voyant nos mines déconfites, il éclate de rire et nous rassure : la visite aura bien lieu en anglais. Pour ceux qui maîtrisent mal cette langue, il y a des audioguides disponibles dans plusieurs langues, dont le français. Vous pouvez les emmener avec vous le temps de la visite et les restituer à la sortie.
La naissance d’un hôpital souterrain pendant la guerre
Les premières salles nous entraînent bien vite dans une reconstitution de cet hôpital insolite, installé loin de la lumière du jour dans un vaste réseau de caves souterraines de 10 kilomètres de long.

Ce réseau s’est formé de manière naturelle, creusé par l’eau dans la roche calcaire, un processus bien similaire à celui qui a donné naissance aux célèbres bains de Budapest. Depuis le Moyen-Âge, les habitants de Budapest s’en servaient de cave, pour entreposer des marchandises notamment… et parfois pour escamoter certains biens précieux afin d’échapper aux impôts !
Lorsque la Seconde Guerre Mondiale a éclaté, le lieu s’est naturellement imposé comme « sanctuaire » pour protéger ceux qui en avaient besoin. On y a ainsi construit un centre de commandement des alertes aériennes afin d’informer la population des lâchers de bombe éventuels.

Mais bien vite, une fonction encore plus vitale a été donnée à l’Hospital In The Rock : apporter des soins médicaux. Le réseau souterrain était proche du siège du gouvernement de l’époque, le Château de Buda… il était donc primordial d’offrir aux employés comme aux officiels un refuge en cas de bombardement, parfaitement équipé pour gérer les urgences médicales.
C’est ainsi que Sziklakorhaz, l’Hospital In The Rock de Budapest, a vu le jour. Il a tout de même fallu deux années d’aménagements, entre 1941 et 1943, pour transformer les caves en un véritable hôpital complet, permettant de réaliser des opérations chirurgicales.

L’hôpital était parfaitement équipé et très moderne pour l’époque : salle d’opération, radiologie… Sziklakorhaz possédait même ses propres générateurs, si bien que l’hôpital a pu continuer à fonctionner même lorsque la guerre est devenue extrême et qu’en surface, les services hospitaliers étaient paralysés.
Il était tenu par un personnel compétent : médecins expérimentés, infirmières de la Croix-Rouge.
Beaucoup d’infirmières travaillant sur place étaient des femmes de la noblesse, à l’instar de la Comtesse Ilona Andrássy, infirmière en chef, de la Comtesse Ilona Edelsheim-Gyulai, infirmière pour la Croix-Rouge, ou encore de la Comtesse Ilona Széchényi (je vous rassure, il y avait aussi des infirmières qui ne s’appelaient pas Ilona, comme Alice Cziráky par exemple !).
L’Hospital In The Rock, une réponse aux bombardements
L’hôpital de Sziklakorhaz a vraiment rempli une mission fondamentale à partir du début du siège de Budapest au printemps 1944. En effet, les Américains multipliaient les raids aériens sur Budapest et l’hôpital souterrain offrait un refuge bienvenu pour échapper aux bombardements.
Tant et si bien que les 94 lits qui équipaient l’hôpital n’ont pas été suffisants pour faire face à l’afflux de blessés pendant le siège de Budapest entre le 29 décembre 1944 et le 13 février 1945. Les troupes soviétiques et roumaines ont littéralement assiégé la ville pendant 50 jours afin de la reprendre aux mains des troupes germano-hongroises.
Le bilan de la bataille de Budapest a été très lourd, puisque 50000 soldats ont péri dans et autour de la ville, et 138 000 de plus ont été capturés. On comprend à quel point un hôpital était crucial, si dérisoire soit sa capacité d’accueil au regard de l’ampleur du conflit.

A l’apogée de la guerre, l’hôpital a connu des périodes difficiles : la nourriture, les médicaments venaient à manquer, tout comme le matériel médical. La surpopulation était énorme.
Alors on avait recours à l’ingéniosité pour permettre aux blessés et au personnel de survivre : à la nuit tombée, on évacuait les défunts en surface, en les enterrant dans des fosses communes pour éviter la propagation d’épidémies en sous-sol ; on récupérait au préalable le matériel médical pouvant être réutilisé et on le stérilisait afin de s’en servir pour d’autres patients. En période de famine, on cherchait des chevaux morts pour obtenir de la nourriture.
Une organisation millimétrée dans l’hôpital souterrain
Pendant la bataille de Budapest, 600 à 700 personnes se sont parfois entassées dans l’hôpital souterrain… donc vous imaginez bien que l’organisation se devait d’être irréprochable !
L’hôpital possédait des lits superposés pour accueillir davantage de malades dans un espace réduit. Ceux qui n’avaient pas de place dans un lit étaient placés sur des civières là où l’on trouvait de la place.

L’hôpital était très ouvert, accueillant aussi bien des civils que des militaires, des soldats allemands que des locaux, ainsi que des femmes (qui possédaient une aile séparée de celle des hommes)…
Dans le musée de l’Hospital In The Rock aujourd’hui, plus de 200 statues de cire permettent de redonner vie à cet hôpital du siècle dernier. Des visages pleins de réalisme pour la plupart, qui aident à se représenter les lieux lorsqu’ils étaient en fonctionnement.
La visite est aussi l’occasion de se plonger dans ce temps de guerre que notre génération n’a – fort heureusement – pas connu. On découvre par exemple un poste de transmissions… et, plus surprenant encore, un hélicoptère militaire entier ! Il a été transporté dans l’hôpital souterrain en pièces détachées, avant d’être reconstruit patiemment dans l’une des salles.
Il était si grand par rapport à l’espace exigu qu’il ne tenait même pas dans la photo !

J’ai été marquée aussi par ce mur de casques de soldats endommagés… En voyant les dégâts subis, on imagine le triste sort des hommes qui se trouvaient en-dessous. Notre guide nous a raconté avoir eu la chance de faire faire la visite un jour à un major américain ayant vécu cette période, une rencontre très émouvante.

Après la guerre, le devenir de l’Hospital In The Rock
La visite de l’Hospital In The Rock à Budapest fait aussi référence au devenir de Sziklakorhaz après la guerre.
Une histoire presque aussi mouvementée, il faut l’admettre !
En effet, après la fermeture de l’hôpital à l’été 1945, le bâtiment a été occupé pendant 3 ans par une société privée produisant des vaccins contre le typhus. L’atmosphère qui règne dans les souterrains est souvent considérée comme moins hygiénique, mais le système de ventilation moderne de l’hôpital a pourtant permis de mener ce type de projet.
Mais assez rapidement, les tensions de l’histoire ont conduit le lieu à reprendre sa fonction précédente : après la guerre, l’hôpital avait été largement vidé de ses équipements mais dans les années 1950, on l’a rééquipé… et il a repris du service pour accueillir les victimes de l’insurrection de Budapest en 1956, une révolte spontanée de la population contre la politique imposée par l’URSS.
Cette fois encore, on accueille aussi bien les hommes que les femmes, dans des zones séparées… et pendant les quelques semaines de l’insurrection, 7 enfants voient le jour à l’hôpital (6 garçons et 1 fille).
En ces temps de guerre froide, on se méfie de la tournure que peuvent prendre les événements, alors on rénove totalement l’hôpital pour le remettre à la pointe de la technologie : on y construit un système de traitement de l’eau, une plomberie digne de ce nom, un système de filtration de l’air – notamment contre les gaz toxiques, sans oublier des générateurs qui, encore aujourd’hui, alimentent le lieu en électricité.
Tout est prévu pour que l’hôpital accueille des patients en cas d’attaque chimique ou nucléaire… La visite guidée de l’Hospital In The Rock évoque cette fonction.

Elle montre notamment les dégâts causés par Hiroshima à travers la présentation d’objets qui témoignent de la puissance du souffle de la bombe : un bento détruit, une bouteille pliée par le souffle. C’est très impressionnant. J’ai aussi trouvé ces œuvres particulièrement torturées et expressives :

Sous une forme plus poétique, on découvre aussi de petits oiseaux en origami, qui font référence à un émouvant livre pour enfants écrit par Eleanor Coerr, Sadako et les mille grues de papier. Il s’inspire d’une histoire vraie et d’une légende japonaise, qui raconte que toute personne pliant 1000 oiseaux en papier se verra accorder la réalisation de son vœu le plus cher par les Dieux. Lorsque Sadako, une petite Japonaise, apprend qu’elle souffre d’une leucémie après avoir été touchée par la bombe Hiroshima quelques années plus tôt, elle débute des pliages…
Hélas, elle est emportée par la maladie sans avoir pu les finir, mais tous ses soutiens, sa famille et ses amis les achèvent afin qu’elle puisse être enterrée avec 1000 oiseaux en origami. Son frère aîné a également fait don de certains oiseaux à différents lieux symboliques dans le monde.
C’est à cet épisode que fait référence un joli ciel d’oiseaux en papier que l’on trouve dans le musée.

La technologie a cette limite qu’elle se périme, et les techniques militaires évoluent : on invente la bombe N (bombe à neutrons) et l’hôpital n’est pas équipé pour y résister correctement : alors, dans les années 60, son caractère de sanctuaire devient obsolète.
L’Hospital In The Rock débute alors une nouvelle vie : il accueille, durant quelques décennies, des exercices « grandeur nature » pour les médecins et les infirmières de Budapest, afin de les préparer à l’éventualité d’un conflit. Pendant cette période, l’hôpital souterrain est gardé et géré par une famille, qui y possède un appartement et y élève ses enfants.
C’est en 2007 que le Ministère de la Défense décide de le faire rénover et de l’ouvrir au public. J’ai beaucoup apprécié cette visite, qui sort de l’ordinaire et permet d’explorer Budapest sous un angle à la fois historique et ludique.
Comment visiter l’Hospital In The Rock à Budapest ?
L’Hospital In The Rock est ouvert tous les jours de la semaine, et propose des visites guidées en hongrois ou en anglais toutes les heures, de 10h à 19h, avec des groupes de 25 personnes maximum. En haute saison, de 11h à 17h il y a des visites supplémentaires toutes les demi-heures en anglais.
Vous pouvez retrouver les tarifs à jour sur le site officiel, en forint hongrois. Notez qu’il existe des tarifs réduits, des tarifs pour les familles également.
Comme je vous le disais un peu plus tôt dans l’article, vous pourrez bénéficier d’audioguides si vous maîtrisez mal la langue de Shakespeare… et bien sûr, vous pourrez ouvrir grand les yeux pour profiter du décor !
L’âge minimum conseillé pour profiter de la visite est 12 ans, et les plus petits (moins de 6 ans) ne peuvent pas entrer car ils pourraient être impressionnés par la reconstitution.

L’Hospital In The Rock est en train de mettre en place un système de réservation en ligne mais à l’heure où j’écris, on ne peut pas acheter son billet à l’avance à moins d’être un groupe de plus de 10 personnes. Présentez-vous donc simplement sur place.
Si votre visite n’est pas tout de suite, il y a une foule de choses à faire à proximité sur la colline de Buda : le Bastion des Pêcheurs, l’église Saint-Matthias, la relève de la garde et le château de Buda…
Vous pouvez aussi aller déjeuner car il y a de bons restaurants à proximité, comme Ramazuri Bistronomy, le Pala Bistro ou la brasserie belge Henri.
L’adresse exacte du lieu est Lovas út 4, à Budapest. On peut y accéder…
- Soit via la colline de Buda elle-même : on emprunte le funiculaire de Buda, juste en face du Pont des Chaînes, puis on visite la colline avant de redescendre vers l’Hospital In The Rock par un escalier situé au bout de la rue Szentháromság.
- Soit directement, en descendant à l’arrêt Mikó utca (tramways 19, 56, 56A et bus 5, 956, 990) puis en marchant 5 minutes.
Dernière précision : les photos sont interdites sur place pour des raisons de sécurité et dans un souci de bon déroulement des visites guidées. Je remercie chaleureusement l’Hospital In The Rock d’avoir toléré une petite exception au règlement afin que je puisse vous présenter l’endroit !
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