Le camp de Plaszow fait partie des premières images qui me restent de Cracovie… car on en distinguait nettement les vestiges depuis le ciel quand mon avion a survolé la ville. C’est un camp de concentration méconnu du « grand public »… et qui a pourtant marqué de manière considérable l’histoire de Cracovie.
C’est un lieu que visitent souvent des « initiés », possédant une certaine connaissance de la Shoah… car le camp de Plaszow est aujourd’hui un vaste de champ de ruines où ne subsistent que quelques points « reconnaissables ». C’est pour cette raison que la plupart des gens se contentent d’une visite à Auschwitz-Birkenau, qui possède un musée et fait l’objet d’un véritable travail de préservation.
J’ai tenu à vous parler de ce lieu de mémoire important mais d’un abord moins « facile » qu’Auschwitz, où tout est expliqué. Je vais vous raconter brièvement l’histoire de ce camp de concentration… puis vous montrer ce qu’il en reste aujourd’hui. Je vous proposerai également un itinéraire et des conseils pour visiter Plaszow avec un guide.
Le camp de Plaszow et son maître, le nazi Amon Göth
Impossible d’aller visiter ce camp de concentration sans connaître au moins quelques bribes de son histoire. Plaszow, à l’origine, est un « simple » quartier du sud-est de Cracovie en Pologne… qui abrite deux vieux cimetières juifs.
Fin 1942, les nazis décident d’y implanter un camp de travaux forcés où ils envoient des prisonniers issus du ghetto de Cracovie. Plaszow, c’est une enceinte circonscrite par 4 kilomètres de barbelés environ et gardée par 13 miradors.


Le camp de concentration de Plaszow sous le Troisième Reich
Le camp de Plaszow se structure peu à peu pour intégrer un camp pour hommes, un camp pour femmes, un camp spécifique destiné aux Polonais « récalcitrants »… Une main d’œuvre employée dans les usines d’armement de Cracovie et sa région ainsi que dans une carrière de pierre située à proximité.
Le lien entre Schindler et Plaszow
C’est dans ce contexte que plusieurs centaines d’ouvriers du camp entrent au service de l’industriel Oskar Schindler, qui possède une usine d’ustensiles en émail (l’usine Schindler a été transformée en musée) à proximité…
Au départ, Schindler est intéressé par cette main d’œuvre bon marché et corvéable à merci, grâce à laquelle il espère s’enrichir. Il découvre peu à peu la réalité du camp de Plaszow et les conditions inhumaines dans lesquels ces prisonniers doivent survivre : il met alors sur pied une formidable opération de sauvetage qui permettra à un millier de Juifs d’avoir la vie sauve… dont Mietek Pemper, auquel on doit ce témoignage :
« Le camp de Cracovie-Plaszów – qui avait tout d’abord été un camp de travail forcé, avant d’être transformé en camp de concentration durant l’année 1944 – représentait un cas unique dans l’ensemble des territoires soumis au contrôle des Allemands : c’était le seul camp principal (Stammlager) créé à partir d’un ghetto juif – celui de Cracovie.
En effet, lors de la liquidation définitive du ghetto de Podgórze, situé dans le secteur ouest de Cracovie, tous les Juifs reconnus ‘aptes au travail’ furent internés dans le camp de Plaszów, au sud-est de la ville – les autres ayant été massacrés sur-le-champ ou déportés par vagues successives vers les camps d’extermination de Belzec et d’Auschwitz-Birkenau. À ma connaissance, aucun autre camp ne s’est établi, comme celui de Plaszów, sur les ruines d’un ghetto ».
Je vous conseille vivement la lecture du livre de Mietek Pemper (La route vers la liberté) avant votre visite à Plaszow, l’autobiographie est aussi bien écrite qu’intéressante et vous permettra de vraiment imaginer ce qu’était ce camp à l’époque. Mietek Pemper a participé à l’élaboration du film « La liste de Schindler », largement inspiré de son histoire.
La terrible réalité de Plaszow
Comme la plupart des camps de travail nazis, Plaszow est rongé par les épidémies (typhus notamment) qui font des ravages parmi les prisonniers. Ceux-ci souffrent également de la faim… et les fusillades arbitraires sont nombreuses.
Si, sur le papier, un camp de travail n’est pas un camp d’extermination, dans les faits, beaucoup de prisonniers sont exploités jusqu’à ce que mort s’ensuive, trop peu nourris et trop maltraités pour survivre.
En février 1943, le commandant nazi Amon Göth prend la tête du camp de concentration jusqu’en septembre 1944. Décrit comme un homme d’une cruauté inouïe, il fait régner un régime de terreur dans le camp de Plaszow, dont les quelques rescapés se souviennent avec une angoisse encore vivace, des années après.
Mietek Pemper le décrit parfaitement dans son livre, ayant été choisi pour devenir le secrétaire particulier d’Amon Göth.

Lorsque les nazis sentent le vent tourner à la fin de la guerre, ils décident, comme à Birkenau, d’effacer les traces de leurs crimes en détruisant le camp et en brûlant les corps des victimes enterrées dans des fosses communes.
Les prisonniers restant encore sur place doivent affronter une « Marche de la Mort » vers Auschwitz, après laquelle la plupart d’entre eux sont assassinés. En arrivant dans le camp de Plaszow en janvier 1945, l’Armée Rouge ne trouve qu’un champ de ruines.
Plus de 9000 personnes seraient décédées à Plaszow.
Itinéraire de visite dans le camp de Plaszow, un lieu à déchiffrer
Le camp de Plaszow est difficile à visiter car il n’y a presque aucune information pour vous aider à identifier les vestiges qui subsistent. J’ai une certaine connaissance de l’histoire de ce camp et de son plan d’époque, qui m’a aidée à comprendre ce que je voyais… mais j’avoue que parfois, ça tenait davantage de la devinette que de la compréhension.
Si vous allez visiter Plaszow, l’un des aspects qui vous marquera le plus est sans doute le fait que la vie a repris ses droits… et contrairement à Auschwitz qui est devenu un musée, un lieu de mémoire, où l’on vous explique ce que vous voyez, à Plaszow on fait un peu « comme s’il ne s’était rien passé ».
Les gens promènent leur chien au milieu des allées, il n’y a littéralement aucune explication pour vous aiguiller sur la compréhension du lieu, à part un plan que je n’ai vu qu’à un seul endroit et disponible uniquement en polonais… Et des gens habitent dans des lieux où d’autres gens sont morts et ont souffert.
Cela interroge beaucoup sur la préservation de la mémoire et la conscience tardive, dans certaines villes, de son importance.
Je partage ici un plan avec quelques points clés que j’ai visités… mais j’ai aussi pas mal arpenté le camp en sortant des sentiers « classiques », au point que c’est un peu complexe de représenter l’itinéraire sur la carte !
Je vais vous montrer à présent des éléments de cet itinéraire que vous pourrez observer sur place.
Le camp de concentration de Plaszow, une mémoire à préserver
L’ancienne « rue des SS »
J’ai commencé ma visite en prenant le tramway depuis le centre de Cracovie jusqu’à la station « Cmentarz Podgorski » (lignes 3, 6, 11, 13, 23, 24)… puis en empruntant la rue Jerozolimska. C’était à l’époque la « rue des SS », bordée de maisons occupées par les Allemands et par l’encadrement du camp.
Aujourd’hui, elle accueille un mélange de maisons individuelles et d’immeubles, dans un quartier en plein développement avec beaucoup de constructions neuves. Un immeuble a été bâti sur un terrain autrefois rattaché au camp de Plaszow…
Dès le début de la rue, sur la droite, on tombe sur des vestiges de bâtiments… C’est ici que se trouvaient la gare amenant les déportés ainsi que le commandement et, un peu en retrait, un hôpital pour les SS.
Ici, vous avez des vestiges des bureaux du commandement du camp et des gardes.


C’est aussi à ce niveau que se trouvait l’entrée principale du camp de Plaszow et, en face, un central téléphonique et radio.
Au milieu des arbres verdoyants, on tombe partout sur des fragments de constructions bétonnées, seuls vestiges du passé. Aucun panneau explicatif… hormis quelques incitations à « respecter l’histoire bouleversante du site ».

On aperçoit ensuite de gros blocs de béton, seuls restes d’un bâtiment dynamité. Je pense qu’il s’agit de l’ancienne maison funéraire à l’entrée du cimetière juif, partiellement dynamitée par Amon Göth.

Szary Dom, la « Maison grise »
Au n°3, rue Jerozolimska, vous pourrez observer Szary Dom, « The Grey House », la « Maison grise ». Cette maison était autrefois le siège de la « Fraternité funéraire juive », elle se rattachait donc au cimetière juif voisin sur lequel le camp de concentration a été construit.

Par la suite, la Maison grise a hébergé certains officiers SS gérant le camp. Mais surtout, cette maison est connue pour avoir été la « maison de l’horreur » où des prisonniers étaient emmenés et torturés.
« La fameuse ‘maison grise’, qui existe encore sur le site du camp, abritait au rez-de-chaussée et au premier étage un certain nombre de logements réservés aux sous-officiers. La cave, divisée en plusieurs cellules, faisait office de cachot. En 1944, juste après l’arrestation de Göth, j’y ai passé deux semaines dans l’isolement le plus complet.
Il y avait également dans ce sous-sol quelques Stehbunker. Ces cellules, dont la surface n’excédait pas 90 cm2, étaient agencées de telle manière que les détenus pouvaient s’y tenir debout, mais pas s’asseoir, et encore moins s’allonger. C’était un supplice particulièrement éprouvant que d’y passer toute une nuit, avant de reprendre une journée de travail le lendemain matin » (Mietek Pemper, déporté à Plaszow).

A proximité, un monument rend hommage à Sarah Schenirer, décédée à Cracovie, qui a fondé le mouvement Bais Yaakov auquel on doit les premières écoles religieuses pour jeunes filles juives.

A côté de Szary Dom part une grande « route » qui traversait autrefois le camp en direction des baraquements des hommes. On ne s’en rend pas forcément compte « au sol » mais depuis le ciel, on voit encore très bien les contours de « l’Apellplatz » (carré où l’herbe est jaunie), où les nazis faisaient l’appel des prisonniers. Cette place était bordée par les baraquements des hommes, il y avait aussi des latrines et une zone de quarantaine.

C’est très impressionnant de voir à quel point l’histoire a laissé une cicatrice dans le paysage, plusieurs décennies après.
On découvre également non loin de la Maison grise un monument en hommage à 13 Polonais assassinés ici le 10 septembre 1939, victimes des nazis.

L’ancienne villa d’Amon Göth, commandant du camp de Plaszow
Le destin d’un autre lieu peut choquer, quand on sait ce qui s’y est passé : la maison de l’ancien commandant Amon Göth, que vous pouvez facilement voir depuis la route (autour du 3, Wiktora Heltmana, une rue située dans le prolongement de la rue Jerozolimska).
La maison tombait en ruines faute d’entretien et a été rachetée en 2016 par un investisseur immobilier, Artur Niemyski… qui a décidé de la restaurer du sol au plafond pour y vivre.
Résultat : une demeure de grand standing, qui conserve les lignes de la propriété d’origine… mais efface totalement l’histoire de cette maison…
Lorsque le projet immobilier a été annoncé, cela a particulièrement choqué Helen Jonas-Rosenzweig, survivante de la Shoah, qui était encore vivante à l’époque du rachat de la maison (elle est décédée en décembre 2018). Embauchée par Amon Göth, qu’elle devait servir au péril de sa vie, cette femme juive d’un immense courage a vécu un véritable supplice dans cette maison, où elle a été maltraitée et torturée, en particulier sur le plan psychologique.

Par respect pour son calvaire, je trouve que ce genre d’endroit aurait dû garder son statut de « lieu de mémoire »…
Le nouveau propriétaire des lieux a déclaré à la presse qu’à ses yeux, il fallait passer à autre chose. Oui, la propriété a brièvement appartenu à un nazi mais pour lui, ça ne doit pas influencer à tout jamais le devenir de la maison.
Le débat de fond est intéressant et rejoint un peu celui auquel la ville de Nuremberg doit faire face : préserver ou non des lieux davantage rattachés aux bourreaux qu’aux victimes ?
Dans le cas d’une maison individuelle, je trouve qu’il faut tenir compte de sa place dans l’histoire, plus globale, des victimes et des lieux. Szary Dom, par exemple, a été un lieu de torture où des gens sont morts. La villa d’Amon Göth est un endroit où une femme a vécu dans l’angoisse quotidienne de la mort, en proie à une pression et à des violences psychologiques intolérables, au point qu’elle a été bouleversée par le fait de retourner dans la maison pour un documentaire de James Moll.
Cette femme, de son vivant, a vu le théâtre de sa souffrance devenir une villa soignée… et je trouve que c’est comme une « négation » de son vécu. Comme si elle ne méritait pas qu’on se souvienne.

Hujowa Górka, le premier mémorial du camp de Plaszow
En continuant sur la rue Jerozolimska, vous tombez sur une discrète pancarte indiquant la direction d’un mémorial sur la droite… et vous vous enfoncez sur le territoire du camp de Plaszow lui-même.
C’est une allée apaisante, au milieu de la végétation, où je n’ai pas croisé âme-qui-vive… Au bord de cette allée, il y avait autrefois sur la droite le « magasin central » du camp de concentration et sur la gauche, des ateliers où étaient employés les prisonniers.

L’allée débouche sur une croix, qui porte une inscription tout en polonais (là aussi, on peut se brosser pour avoir ne serait-ce qu’une traduction en anglais). En utilisant un traducteur automatique, j’ai pu saisir le sens de l’inscription, qui indique que « cette croix a été érigée à la mémoire de centaines de Polonais »… et mentionne le « repos éternel des âmes ».
En fait, la croix se situe à l’emplacement de ce qui était l’une des fosses communes de Plaszow, où des milliers de corps ont été enterrés… puis déterrés par les nazis afin de les faire disparaître.
Le lieu est appelé « Hujowa Górka » et à ce qu’il paraît, Górka veut dire « colline » et « Hujowa » est un jeu de mots entre de l’argot polonais qui signifie « bite » et le nom de « Albert Hujar », l’un des nazis qui commandaient le camp. Hujowa Górka a été le lieu de nombreuses fusillades arbitraires dans le camp.
La croix présente la particularité d’être entourée de fils barbelés…

Les vestiges de l’ancien cimetière juif de Cracovie
J’ai poursuivi ma marche dans le camp de Plaszow… et ai soudain aperçu au loin ce qui ressemblait étrangement à des tombes. Par quelques sentiers sur le terrain très vallonné du camp, j’ai rejoint cette zone. De plus près, pas de doute : des pierres vaguement rectangulaires se détachent au milieu de l’herbe verte.

Des pierres brisées, déchiquetées… à l’exception d’une seule qui tient encore debout : la tombe de Chaim Jakob Abrahamer, décédé le 25 mai 1932 à l’âge de 74 ans. En lisant l’année sur la pierre tombale, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que ce pauvre homme était « mort au bon moment », avant de connaître l’horreur…

Je me tiens au milieu des restes de l’un des deux cimetières juifs sur lesquels les nazis ont bâti Plaszow. On peut y accéder directement en empruntant le sentier Abrahama, à gauche de la Maison Grise.
Lorsque les nazis ont décidé de créer le camp de concentration, ils ont commencé par vendre les pierres tombales les plus belles à des maçons de la région, avant d’utiliser les autres pierres pour créer la route destinée à approvisionner le camp (surnommée la « Voie Royale »). C’est de cette tragique anecdote que s’est inspiré Steven Spielberg dans la Liste de Schindler, où l’on voit une reconstitution de cette route faite de pierres tombales.
Après la guerre, un survivant du camp de Plaszow a fait en sorte de récupérer les quelques pierres tombales qu’il pouvait sauver, elles ont été réinstallées dans le nouveau cimetière juif qui jouxte les lieux aujourd’hui.
Suite à cette découverte du cimetière juif, j’ai arpenté la zone de l’ancien camp de Plaszow un peu au hasard… On tombe un peu partout sur des bouts de blockhaus et de bâtiments, parfois si petits qu’il est impossible de les associer à un quelconque bâtiment précis.
Ici par exemple, je pense qu’il s’agit d’anciens ateliers situés non loin du bâtiment où étaient stockées des pommes de terre.

Le monument aux victimes du nazisme
J’ai finalement débouché sur la zone où a été construit le monument aux victimes du fascisme (Pomnik Ofiar Faszyzmu). Il a été imaginé en 1964 par l’architecte Witold Ceckiewicz.
Là aussi, j’ai été surprise par le choix de l’hommage. Le monument lui-même, tout en granit, est très imposant, avec ces corps à la tête baissée et ployant sous le poids d’un bloc de pierre, touchés en plein cœur par une brèche. Je le trouve beau et expressif. En revanche, son emplacement est très étrange : il est tourné vers l’autoroute, qui passe en contrebas.
On voit d’ailleurs la grosse enseigne du Castorama qui borde l’autoroute juste derrière…

Je ne sais pas si ça a été fait sciemment pour inciter les automobilistes de passage à se souvenir (le soir, le monument est bien éclairé et on le voit nettement depuis l’autoroute)… mais côté recueillement, on a vu mieux : cette zone en hauteur est ouverte à tous les vents, avec le rugissement des moteurs en contrebas… et aucun sentiment « d’intimité », de pouvoir prendre son temps devant le monument.

A proximité de ce gros monument, on trouve plusieurs autres monuments plus petits. Cette première plaque commémorative concerne des Juives hongroises déportées à Auschwitz en passant par Plaszow.

Une autre mémorial concerne tous les Juifs déportés de Hongrie et de Pologne. Voici une traduction approximative du message inscrit sur le monument :
« Ici, en ce lieu, entre 1943 et 1945, des milliers de Juifs déportés ici depuis la Pologne et la Hongrie ont été torturés, assassinés et incinérés. Nous ne connaissons pas leurs noms, mais nous le remplaçons par cet intitulé : les Juifs.
Ici, en ce lieu, l’un des crimes les plus graves a été commis. Il n’existe pas de mot capable de décrire son atrocité, sa bestialité innommable, sa cruauté et son insensibilité. Remplaçons-le par un mot : le nazisme.
Les Juifs ayant survécu au pogrom nazi rendent hommage à la mémoire de ceux qui ont été assassinés, dont l’ultime cri de désespoir résonne dans le silence de Plaszow ».

Enfin, ce monument rend hommage à une quarantaine de policiers polonais morts pour la nation.

Les possibles ruines d’un crématorium
En s’écartant un peu du mémorial principal du camp de Plaszow (par la droite quand on est face à l’autoroute, en rejoignant la rue Swoszowicka), on tombe aussi sur des ruines complètement taguées (une preuve de plus du manque de préservation des lieux).
Sur les vieux plans nazis du camp, ce bâtiment en partie extérieur aux barbelés principaux (que l’on voit encore aujourd’hui) est marqué d’un « K », désignant un crématorium… mais d’autres sources identifient les ruines comme des réserves de nourriture.
Très difficile de savoir ce qu’il en est réellement. La construction du crématorium de Plaszow a été lancée début 1944… mais n’a jamais été réellement achevée car la (relative) proximité géographique du camp d’Auschwitz-Birkenau, déjà pourvu de ce type d’installation, a conduit les nazis à « privilégier » Auschwitz…
Je vous mets une photo prise par Allie Caulfield, qui montre relativement bien le bâtiment en question.

J’ai poursuivi ma visite du camp de Plaszow en parcourant aléatoirement l’immense terrain. On fait ainsi quelques découvertes : un abri anti-aérien creusé dans la roche, des bâtiments (habités) en piteux état qui ne se situaient pas dans l’enceinte du camp mais entre celui-ci et la grande carrière qui jouxtait Plaszow (et où a été tourné le film La Liste de Schindler)…
On peut aussi voir les contours d’un bassin qu’Amon Göth comptait transformer en piscine privée, projet qu’il n’a jamais pu mener à bien car l’eau était toxique.
Il faut rester prudent, car certaines zones envahies par les herbes folles abritent encore des trous profonds vers des réservoirs d’eau souterrains par exemple.
J’ai appris par des habitants du coin qu’autrefois, le terrain du camp de Plaszow était en plus mauvais état encore, envahi par les mauvaises herbes. Il a été désherbé assez « récemment », ce qui a fait émerger des lieux comme l’ancien cimetière juif ou l’Apellplatz…
Visite du camp de concentration de Plaszow
Si vous souhaitez découvrir le camp de Plaszow, vous pouvez vous y promener comme moi en vous aidant au besoin de mon itinéraire… mais sachez aussi que depuis 2020 environ, certains guides commencent à proposer des itinéraires de visite de Plaszow.
Vous ne pouvez pas savoir à quel point cette nouvelle me « ravit » (toutes proportions gardées, vu le contexte) tant j’ai été blessée de voir ce lieu presque à l’abandon, sans explications, sans mémoire pour les visiteurs. Il se trouve que certains guides ont décidé de faire visiter Plaszow parce que le camp d’Auschwitz était fermé au public en raison du coronavirus.
Il existe d’abord des visites guidées exclusivement consacrées à Plaszow, sur une durée de 2h environ, avec guide en anglais :
Il existe également des visites guidées combinant le camp de Plaszow et d’autres lieux de mémoire :
- Cette visite associant l’usine de Schindler, l’ancien ghetto juif et le camp de Plaszow, par l’agence Excursions.city (durée de 5h, avec guide en anglais) ;
- Cette visite de l’usine de Schindler + camp de Plaszow par l’agence LegendaryKrakow (durée de 4h, avec guide en anglais) ;
- Cette visite de l’usine de Schindler + camp de Plaszow par l’agence HelloCracow, avec prise en charge directement à votre hébergement (durée de 4h30, guide en anglais ou en polonais).
J’espère que cela permettra à certains d’entre vous d’aller faire une visite de Plaszow avec des explications sur son histoire. N’hésitez pas à témoigner sur votre visite du camp dans les commentaires de l’article pour participer à sa mémoire !
Le projet de musée du camp de Plaszow
Il existe un projet de « vrai musée » en hommage aux victimes de Plaszow, initié par la ville en collaboration avec des associations juives locales.
Ce « KL Plaszow Museum » a officiellement été lancé début 2021 : le site web précise qu’il est créé pour « préserver et gérer la zone autrefois occupée par le camp de concentration de Plaszow », mais aussi pour mener des recherches et des missions pédagogiques afin de préserver la mémoire du camp et de ses victimes.
Le site évoque un projet de développement sur 5 ans, qui inclut à la fois le site du camp et la Maison Grise. Pour l’instant, voici ce qui est prévu :
- De laisser l’entrée gratuite et sans billet afin que les habitants puissent continuer à accéder à la zone comme ils ont l’habitude de le faire ;
- De poser des panneaux commémoratifs aux endroits importants ;
- De construire un musée physique sur la rue Kamienskiego, avec parking et toilettes ;
- D’aménager la Maison Grise pour l’ouvrir au public en y installant, au rez-de-chaussée et au sous-sol, une exposition permanente… et, au premier étage, une salle pour se recueillir et consulter des archives numérisées sur le camp ;
- De veiller à ne plus modifier les lieux afin qu’ils restent aussi proches que possible de ce qu’ils étaient à l’époque ;
C’est vraiment une bonne initiative, hélas je ne peux pas m’empêcher de constater que ça arrive un peu tard : beaucoup de vestiges ont été tagués, endommagés, sans parler des maisons de l’époque récupérées comme habitations…
Bilan de la visite du camp
Plaszow est un site très différent du camp d’Auschwitz, mais intimement lié à l’histoire de Cracovie et de sa communauté juive décimée par le nazisme. Après avoir visité les lieux, je me suis glissée sur de petits chemins pour accéder à la carrière où les prisonniers travaillaient et où le film La Liste de Schindler a été tourné.
J’ai choisi de vous parler de ces lieux de tournage de La Liste de Schindler dans un article distinct car je ne souhaitais pas mélanger le site du camp de concentration et des lieux de tournage abritant des décors créés pour les besoins d’une fiction.
Pour ma part, c’est une visite qui a réveillé mon sens du « devoir de mémoire »… car on réalise l’énorme différence qui peut exister entre des lieux qui font l’objet de travaux de préservation – comme Auschwitz – et des lieux totalement délaissés par les autorités.
Je comprends mieux la nécessité du combat mené, en France par exemple, pour faire poser des plaques et faire connaître des lieux qui risqueraient de s’effacer peu à peu, avec le temps, de la mémoire collective. Après tout, ce n’est qu’en 2017 que la France a inauguré un « Jardin mémorial des enfants du Vél’ d’hiv' » rue Nélaton, à la mémoire des enfants juifs déportés après la rafle du Vél’ d’hiv.
Alors, si vous allez à Cracovie en Pologne, prenez le temps de visiter le camp de Plaszow… Même s’il est moins facile d’accès que d’autres lieux plus aménagés, il vous permettra de mettre des images réelles sur un camp de concentration que les gens connaissent surtout à travers le cinéma.
Hello ! Je suis en congé maternité jusqu'à l'été 2023. Pendant cette période, les commentaires sont fermés.
Merci pour cette description très intéressante du camp de Plaszow connu en particulier grâce au film La liste de Schindler et par l’histoire de son terrible commandant sanguinaire Amon Goeth
Vous avez réalisé un très beau travail de mémoire
Merci Joël, je vous souhaite une très belle fin d’année !
merci Marlène une fois de plus pour la qualité de tes commentaires sur ce lieu de mémoire vraiment oublié à Cracovie
comme toi j’ai été troublé par l’abandon de ce lieux si chargé de l’histoire sombre de l’holocauste
j’y suis allé cet après midi
bonne nouvelle la maison « grise « siège des pires sévices est en cours de réhabilitation
par contre quel choc de voir le propriétaire sortir tranquillement de la villa occupée par le boucher nazi Goth comme si l’histoire avait tout effacé
merci encore pour la pertinence de tes commentaires et aussi ton ressenti
Philippe
Merci Philippe pour le commentaire ! Oui, la Maison Grise est en train d’être réhabilitée dans le cadre de la création d’un musée sur le site du camp de Plaszow, je le mentionne en fin d’article. Une bonne chose, même si ça arrive bien tard !
Coucou :) merci beaucoup pour cet article. J’étais à Cracovie cet été et grâce à toi j’ai pu trouver cet ancien camp. Même s’il ne reste plus grand chose c’était une visite très émouvante. Merci beaucoup pour ton travail.
Merci Adeline, le projet de musée à Plaszow avance petit à petit, ils ont lancé un appel à projets au printemps pour concevoir le design du futur bâtiment du musée, ils continuent le travail de collecte d’archives et ce sont aussi eux qui ont posé quelques panneaux explicatifs dans le camp. Ca avance doucement mais c’est un pas utile pour remettre un peu de sens autour de l’endroit pour les générations actuelles et futures.
Bonjour,
Bravo pour votre travail de recherche concernant ce camp, que Steven Spielberg à fait connaître au grand public ! heureux de savoir que ce camp va être protégé, car notre guide (visite du 9 février 2022) nous a fait savoir qu’il y avait eu un projet de parc d’attraction sur ce terrain, dommage que la maison de Göth a eu cette reconversion, ce camp est un devoir mémoire, au même titre qu’Auschwitz et l’usine d’Oscar Schindler ! heureux d’avoir trouvé un guide qui a bien voulu nous y amener ! merci pour votre exposé de qualité.
Bonjour Christophe, merci pour le message. J’ai échangé avec l’équipe qui coordonne le projet de musée il y a quelques mois, ça a l’air déjà relativement « abouti », ils m’ont envoyé toute une documentation sur les recherches archéologiques menées sur site pour exhumer des objets en 2017-2018. Je vais suivre ça de près !
Bonjour,
Vous avez fait un beau travail de mémoire.
Je suis allée a Cracovie à l’été 2019.Mon voyage avait pour but la recherche de l’histoire.
J’ai globalement fait le même parcours que vous, suite à une participation a une visite guidée en vélo électrique ( j’étais la seule participante ).Un jeune d’une trentaine d’année m’a emmené sur tous les endroits que vous décrivez.
Quelle désolation et grande colère intérieure pour moi de découvrir ces souvenirs cachés et laissés à l’abandon.Surtout, grand choc en ce qui concerne la reconversion de la maison du chef de ce camp de concentration méconnu.
Merci à mon guide de m’avoir dévoilé ce pan de l’histoire.
Merci à vous pour votre article
Merci Sylvie, c’est plutôt encourageant de voir que certains s’impliquent pour faire perdurer la mémoire. Ça reste quand même très lié à une « politique » car quand un lieu n’est pas promu, n’est pas connu, n’est pas évoqué par les offices de tourisme par exemple, il n’attire pas (et le fait que vous ayez été seule à cette visite montre aussi que ce n’est pas un lieu vers lequel les gens se tournent).
Je trouve qu’il y a donc un vrai travail à faire, quitte à se servir de La liste de Schindler comme « accroche » pour le grand public. Beaucoup de gens ont vu le film donc ça peut aider, au niveau local, à expliquer que ça s’inspire d’un véritable camp…
Je suis allée plusieurs fois à Cracovie et ne connaissait malheureusement pas ce camp. J’ai visité le musée Schindler lors de ma dernière visite et malheureusement n’ai pas eu le temps de m’informer de la situation de ce camp. Je pense que cette visite sera au programme de mon prochain voyage à Cracovie !
En tout cas, merci pour toutes ces informations !
Hello Gwen, Cracovie est une jolie ville donc ce n’est pas trop difficile d’envisager d’y retourner, je trouve ;) Je n’ai pas « tout fait » non plus bien que j’y sois restée un long moment, car on doit toujours prioriser certaines découvertes en voyage à moins de rester un mois sur place :) Ce sera pour une prochaine fois !
Bonjour
Merci pour ces précisions. Nous partons pour cracovie au mois de mars 2020.
Ce détour fera maintenant parti de notre voyage.
J’espère que vous apprécierez la ville !
Étant passionné d histoire et notamment sur la seconde guerre mondiale, ayant bien entendu vu la liste de Schindler je viens d effectuer un voyage en Pologne. Ma femme, ma fille et moi même sommes allés au camp de plaszow et même si quelques efforts ont êtes fait je vous rejoint sur le fait qu il devrait y avoir un circuit bien plus explicatif et entretenu, nous avons eu du mal à comprendre pas mal de choses et d endroit en tout cas merci pour vos informations, elles nous ont êtes très utiles. Amicalement
Bonjour Christophe, c’est une bonne nouvelle si des efforts ont été faits depuis ma propre visite, si minimes soient-ils. Il faut espérer que ça marque le début d’une évolution dans la préservation de ce lieu. Pour dire à quel point il y a peu de communication dessus, une journaliste m’avait contactée il y a 2 ans peut-être car elle devait accompagner une survivante du camp sur place dans le cadre d’un reportage et n’avait pas trouvé assez d’infos en amont pour préparer le tournage et faire le lien entre les lieux qu’avait connu cette femme et l’état actuel du camp.
Elle ne m’a jamais remerciée pour l’heure que je lui ai consacrée ou donné de nouvelles a posteriori – j’aurais aimé voir le reportage ! – mais ça m’a confirmé qu’il y avait un vrai déficit d’informations sur Plaszow…
Bonjour Marlene, nous avons aussi vu un chantier en cours au sein du camp, qu était ce ? Je ne sais pas mais peut être qu’il faudrait pouvoir à nouveau se rendre sur place dans quelque temps. En tout cas heureusement qu’il y a des personnes comme vous pour continuer à faire vivre et ne pas tomber dans l oubli général. Si par bonheur vous aviez de nouvelles infos je suis preneur. Bonne continuation dans vos périples, amicalement
Bonjour Christophe, après avoir fait quelques recherches, il semblerait que la ville soit en pleine phase de consultation publique, avec les riverains notamment, dans le cadre d’un projet de musée. Ils cherchent notamment à voir comment concilier le caractère de « lieu de mémoire » de Plaszow avec les flux de visiteurs que cela va nécessairement générer.
Bonjour Marlene, merci du renseignement en espérant que le projet aille à son terme et que cela puisse être utile aux prochains visiteurs. De plus et surtout pour rendre hommage à tous ceux qui ont souffert dans ces lieux maudits,pour ne pas oublier. Bonne continuation amicalement
Merci pour votre article qui met à la lumière ce camp que j ai découvert en me rendant à l’usine d Oskar Schindler. Je me lui du coup plonger dans votre article. Bien écrit limpide et bien documenté.
Merci beaucoup Josiane, j’espère que vous avez apprécié cette visite de l’usine.
Merci ! Vos indications nous ont été bien utiles lors de notre visite du camp…
Il y a désormais quelques grands panneaux explicatifs (en polonais et en anglais) à des endroits « stratégiques ».
C’est bon à savoir, enfin un petit pas sur le chemin de la mémoire… Merci pour l’information !
Bonjour,
Votre article est un petit bijou de simplicite, de respect et d’humanité.
Merci.
Merci beaucoup pour le petit message !
Un grand merci pour votre article de grande qualité. Si je passe de nouveau par Auschwitz, je prendrais le temps d’aller jusque là et de me guider grâce à vos photos. Encore en grand merci
Merci Jean-Yves ! Pour information, le camp de Plaszow est plus proche de Cracovie que d’Auschwitz, il se situe littéralement en proche banlieue de Cracovie et l’on peut y accéder par le tramway en quelques stations.
j’ai été très touché par le film de Spielberg et le simple fait d’imaginer un être humain sous la coupe d’un tortionaire tout puissant me révulse tellement. Je ne peux qu’imaginer la détresse et la souffrance de tous ces gens, quelle barbarie monstrueuse et insoutenable. Je penserai toujours à tous ces êtres humains misérablement humiliés et massacrés par des brutes épaisses …………toujours
Merci pour le message Pierre. Ce film est poignant et a l’avantage de sensibiliser le grand public à cette histoire, sans le côté trop « historique/scolaire » qui peut rebuter certaines personnes. Quant à la réalité, elle atteint un tel degré de déshumanisation qu’il n’y a même plus de mots dans le dictionnaire pour la décrire avec justesse.
bonjour et merci pour ce reportage sur ce camps assez meconnu
bravo pour cet excellent travail
recevez mon plus profond respect
cordialement
Mr Betrancourt
Merci beaucoup de votre message !
Merci de ce reportage interessant, éducatif et aussi émouvant.
Je dois quand même relever un point critique: nommer la personne principale et responsable des atrocités de ce camp. Dans le contexte d’un article d’information, nommer cette personne une fois avec le nom étant mêlé au texte serait peut-être acceptable, bien que pas nécessaire.
Nommer cette personne plus d’une fois, dont une fois en titre de paragraphe et en caractère gras est à mon avis inapproprié, et donne une importance héroïque (même si négative) à un individu qui ne mérite aucune gloire, du tout.
Mettre une photo est carrément choquant, pour les mêmes raisons.
Je n’ai pas été affecté, directement ou indirectement, par les atrocités infligées et je m’incline et fais mes excuses si mon commentaire offense ceux ou celles qui ont souffert.
Bonjour Etienne, je fournis TOUJOURS un contexte historique quand je présente un lieu, en particulier quand il permet de saisir la portée d’un endroit où rien n’est expliqué sur place. Si vous prenez ça pour une apologie de ses actes ou une « starification » du personnage, vous vous méprenez gravement.
Contrairement à d’autres camps où le pouvoir était souvent plus « dilué » entre différentes figures horribles (ex : Himmler, Höss, Mengele, Kramer, Wirths & autres pour Auschwitz), Plaszow a été incarné par cette personne, qu’on le veuille ou non. Si vous lisez des ouvrages de survivants de Plaszow, tous parlent de Göth, de sa place, de son rôle… et, si affreux soit le personnage, il est au centre de la compréhension des particularités de ce camp et de la terreur qui y régnait.
Merci de la réponse prompte Marlène.